Voyage mouvementé d'Alain Berset à Kiev

Alain Berset a effectué une visite surprise très mouvementée samedi à Kiev. Après une double cérémonie commémorative et un tête-à-tête avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, le président de la Confédération a dû courir s'abriter à cause d'une alerte missile.

Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy et le président de la Confédération Alain Berset se serrent la main avant la cérémonie de commémoration pour les victimes de l'Holodomor à Kiev. © KEYSTONE/ANTHONY ANEX
Avant de rencontrer Volodymyr Zelensky à Kiev, Alain Berset s'est rendu à Boutcha, où il a déposé une gerbe de fleurs en cet endroit considéré comme le théâtre du principal massacre de civils commis par les troupes russes dans les premières semaines après l'invasion. © KEYSTONE/ANTHONY ANEX
Le soutien helvétique n'est pas remis en cause par "les nombreuses crises parallèles" dont souffre la planète, a assuré Alain Berset. © KEYSTONE/ANTHONY ANEX
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"Je suis ici pour réaffirmer la solidarité de la Suisse avec l'Ukraine, maintenant et à long terme", a déclaré le conseiller fédéral après ses entretiens. A peine avait-il insisté sur le soutien de la Suisse aux efforts de l'Ukraine pour exporter son blé en dépit du blocus russe que le conseiller fédéral et les autres dirigeants présents - la première ministre lituanienne Ingrida Simonyte, le président letton Edgars Rinkevics et M. Zelensky - ont dû quitter précipitamment les lambris et les dorures du palais présidentiel.

Une alerte au missile de croisière, qui s'est finalement révélée une fausse alarme, avait retenti sur Kiev, comme cela arrive assez fréquemment, ont indiqué les services de sécurité interrogés par le journaliste de Keystone-ATS présent sur place.

Pendant une vingtaine de minutes, Alain Berset et la délégation suisse, dans laquelle figurait notamment la directrice de la DDC Patricia Danzi, ont dû se mettre aux abris dans des sous-sols. Leur sécurité n'a jamais été menacée. Les hôtes ukrainiens sont en tout cas restés très calmes durant tout l'épisode.

Pluie de drones

Quelques heures plus tôt, peu avant l’arrivée de M. Berset, les Ukrainiens avaient déjà dû se réfugier pendant six heures dans les abris après une pluie de drones sur Kiev - une septantaine, pratiquement tous détruits par la défense antiaérienne - déclenchée par la Russie.

Après ces incidents, le conseiller fédéral, nullement perturbé, a pu poursuivre sa visite d'Etat avec un lunch de travail en compagnie du premier ministre Denys Chmyhal, qui l'a reçu après l'entretien de 45 en bilatéral entre MM. Berset et Zelensky.

Le président suisse a pu à cette occasion réitérer le soutien suisse à ce pays meurtri et condamné une nouvelle fois l'agression russe. "Celle-ci provoque le chaos dans le monde, et la Suisse n'a pas intérêt au chaos", a dit M. Berset.

Soutien total

Son message à Kiev: ne pas oublier l’Ukraine, en dépit des nombreuses crises qui secouent le monde en parallèle. Alain Berset a aussi profité de sa visite d’Etat éclair - une douzaine d’heures seulement - pour assister au 2e Sommet international sur la sécurité alimentaire, initié par Kiev. But: trouver des voies de passages, des corridors ou des "alternatives logistiques" pour permettre la poursuite des exportations de céréales ukrainiennes dans le monde.

Ces livraisons sont largement bloquées depuis que la Russie a suspendu l’été dernier sa participation à l’initiative "Céréales sur la Mer noire". Les chaînes d’approvisionnement s’en sont retrouvées perturbées à l’échelle mondiale.

Plusieurs dirigeants présents sur place samedi ou en vidéoconférence ont accusé la Russie d’orchestrer délibérément ces perturbations pour créer le désordre. La première ministre lituanienne Ingrida Simonyte a osé le parallèle avec la terrible famine du Holodomor qui a fait entre 2,6 et 7 millions de morts (les estimations divergent) en Ukraine en 1932 et 1933: le régime russe d’aujourd’hui emploierait les mêmes méthodes que celui de la Russie soviétique de l’époque, sous Joseph Staline, qui avait orchestré selon elle et selon le Parlement européen le génocide de Holodomor (version contestée par la Russie).

Alain Berset a par ailleurs annoncé l’octroi par la Suisse d’une aide de 3 millions de francs destinée au programme alimentaire, bénéficiant à l'Ukraine. Il a aussi rappelé le récent déblocage par la Suisse de 100 millions de francs supplémentaires pour aider au déminage, en particulier dans les zones agricoles.

Instants d'émotions

En début de matinée, à peine descendu de son train de nuit, le président de la Confédération était allé se recueillir dans la ville-martyre de Boutcha, théâtre d’un terrible massacre de civils par l’armée russe - version contestée par le Kremlin en dépit de nombreux documents - au printemps 2022. Son passage dans la magnifique Eglise orthodoxe du lieu et aux abords de la fosse commune où des dizaines de corps avaient été retrouvés a été empreint d’émotion. Alain Berset a déposé des fleurs et a brièvement discuté avec le procureur général Andriy Kostin.

Dans la foulée, et avant l’alerte au missile, le président helvétique a encore assisté aux cérémonies commémoratives de la famine du Holodomor, au Musée national de Kiev, en compagnie notamment de M. Zelensky et de son épouse Olena Zelenska. Il a déposé une bougie sur les lieux, avant de poursuivre sa visite qui s’est finalement apparentée autant à un sprint qu’à un marathon avec obstacles.

ATS
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