Les polices de Zurich et Berne ne suivent pas Fedpol

Les deux polices cantonales continueront de mentionner la couleur de peau des personnes recherchées. Elles jugent la nouvelle directive de l'Office fédéral de police (Fedpol) "erronée".

Le canton de Berne invite Fedpol à engager le dialogue avec les cantons (image d'illustration). © KEYSTONE/PETER SCHNEIDER

"Nous ne sommes pas d'accord" avec la décision de Fedpol de ne plus mentionner la couleur de peau dans le système de recherche Ripol, écrit le conseiller d'Etat Philipp Müller dans une lettre adressée mercredi à l'office fédéral, que Keystone-ATS a pu consulter.

Le directeur cantonal de la sécurité s'est dit "surpris, car il semble que l'on ait renoncé à impliquer les cantons, responsables de la sécurité intérieure, et en particulier les polices cantonales, qui constituent un élément essentiel de la chaîne de poursuite pénale".

"Erronée" et "peu utile"

Et de critiquer une décision "objectivement erronée", car elle complique inutilement le travail d'enquête des corps de police dans des cas importants. Dans sa lettre, M. Müller demande à Fedpol de revenir sur sa décision et d'engager le dialogue avec les cantons.

Son homologue zurichois Mario Fehr a de son côté jugé dans la NZZ cette directive, qui a pour but de suivre une pratique répandue à l'étranger, "peu utile" et "politiquement motivée". La police zurichoise a confirmé à Keystone-ATS qu'elle continuera à faire mention de toutes les caractéristiques importantes qui incluent, selon elle, la couleur de peau.

De leur côté, les polices cantonales fribourgeoise et genevoise ont pris acte de la directive émise la semaine passée par Fedpol. Son application requiert "une analyse approfondie du contexte opérationnel, notamment", explique la police cantonale genevoise.

La police fribourgeoise estime elle qu'à ce stade il est trop tôt pour du concret et elle analysera les éventuels impacts ultérieurs de la décision de Fedpol.

Outre-Sarine, la police cantonale bâloise indique qu'elle continuera d'utiliser la base de données Ripol comme elle est proposée, alors que celle de Lucerne entend se conformer aux directives de Fedpol. Leur homologue tessinoise rappelle quant à elle que la base de données Ripol relève de la compétence de l'office fédéral.

Emploi rare

Selon l'office fédéral, la mention de la couleur de peau blanche, noire ou rouge dans le cadre d'un signalement était remise en question depuis un certain temps déjà en son sein. Les échanges avec des autorités partenaires étrangères ont montré que la couleur de peau n'était pas utilisée comme description précise dans certaines agences, notamment Interpol.

En conséquence, ce critère n'était déjà pratiquement plus utilisé comme élément de signalement dans le système de recherche suisse, où il n'apparaissait que dans moins de 1% des cas. La police cantonale neuchâteloise a d'ailleurs indiqué que son système informatique ne permet pas la mention de la couleur de peau et qu'elle n'a donc jamais utilisé cette notion.

Profilage descriptif et profilage racial

Selon Patrice Zumsteg, chercheur et enseignant en droits fondamentaux et en droits de la police à la Haute école spécialisée de Zurich (ZHAW), il existe différents types de profilage. Le profilage descriptif est utilisé dans les enquêtes criminelles: il sert à savoir à quoi ressemble une personne recherchée. Dans ce contexte, la couleur de peau peut être un critère utile, selon lui.

Cela ne devient problématique que lorsque l'on adopte l'approche inverse. Cette dernière suppose qu'une personne est criminelle simplement parce qu'elle appartient à un certain groupe ethnique. On parle alors de profilage racial. Ainsi, selon Patrice Zumsteg, les chasses à l'homme ciblées et le profilage racial sont deux choses bien distinctes.

La suppression de typologies telles que "asiatique", "oriental" ou "slave" n'a pas posé problème.

ATS
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