A la traîne, la Suisse devrait mieux lutter contre le tabac
Une centaine de professionnels de santé, dont notre médecin cantonal, appellent les autorités à en faire plus pour protéger les jeunes.

"Le tabagisme reste le plus grand risque évitable pour la santé en Suisse." Une lettre ouverte adressée au Conseil fédéral et au Parlement est claire. Elle demande aux autorités de reconnaître l'urgence de la situation, la nécessité de faire diminuer la consommation de tabac et de renforcer la prévention.
En Suisse, environ un quart de la population fume régulièrement. Mais un autre phénomène préoccupe les professionnels de santé signataires de cette lettre: la consommation de nouveaux produits du tabac et de la nicotine chez les jeunes.
Produits plus attractifs
Cigarettes électroniques, sachets de nicotine, snus, produits de tabac chauffé, "ces produits s'ajoutent au tabac traditionnel et compliquent nos efforts de prévention", écrivent-ils. Selon la dernière enquête réalisée par l'Office fédéral de la santé publique en 2023, près de 45% des jeunes en consomment. Si des projets d'interdiction sont en cours pour les puffs par exemple, rien n'est encore définitivement acté.
Pour mieux protéger les jeunes, les professionnels de santé demandent donc aux autorités, dans leur lettre, de ratifier la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac. "La Suisse a signé ce texte en 2004, mais elle ne l'a jamais ratifié depuis", regrette Thomas Plattner, médecin cantonal fribourgeois, l'un des signataires de la lettre.
Un appel lancé alors même qu'une conférence internationale de lutte anti-tabac se tient à Genève cette semaine. Mais qu'est-ce qu'une telle ratification changerait?
"L'industrie du tabac a encore une influence importante sur la politique suisse, répond le médecin cantonal. Cela permettrait donc de mieux encadrer le lobby exercé par l'industrie du tabac aujourd'hui, en obligeant, par exemple, les partis à déclarer leurs contacts avec les représentants de cette industrie."
Signe qu'effectivement ce lobby est puissant: l'Association suisse pour la prévention du tabagisme a récemment publié son classement mondial des pays, selon le degré d'influence de l'industrie du tabac et de la nicotine sur les autorités publiques. Résultat, la Suisse obtient un très mauvais score: sur 100 pays, elle est avant-dernière.
De plus, ratifier cette convention internationale permettrait de renforcer la lutte contre ce fléau. "En instaurant de nouvelles taxes par exemple", selon Thomas Plattner, sachant que le prix des cigarettes n'a pas augmenté depuis 2013. Ou "en optant pour le paquet neutre et en favorisant la lutte contre le tabagisme passif."
Plus de cigarettes sous les balançoires
Dans ce domaine, en 2023, Genève a été le premier canton à avoir interdit de fumer dans certains espaces extérieurs, dans les aires de jeux, près des établissements scolaires ou à proximité des arrêts de transports publics. Ce type de mesures pourrait être généralisé au pays entier.
Thomas Plattner le rappelle: le tabagisme est responsable de 9'000 décès évitables par an et pèse lourd sur le système de santé suisse, provoquant des dépenses d'environ 3 milliards de francs.




