Amir: "Je me raconte dans la plus grande des impudeurs"

Le chanteur est de retour avec un 4ème album “C Amir”, l’anagramme du prénom de sa maman Carmi, décédée. Rencontre et album bouleversants.

Amir sort son album le plus personnel en 10 ans de carrière chez Warner Music. © Yann Orhan

Radio Fr: Tu es de retour avec ce 4ème album “C Amir”, un album où tu as dû mettre ta pudeur de côté. Tu as sorti toute ta rage, toute ta tristesse et bien d'autres émotions encore. Un bilan de trois années particulières et intenses. Un album libérateur, comme tu le dis. Est-ce que tu te sens mieux aujourd'hui, après avoir sorti toutes ces émotions ? 

Amir: Je me sens mieux. Je me suis senti mieux le jour où on est sorti de cette maison dans le sud de la France, où on a écrit l'intégralité de l'album. 35 chansons sont sorties, ce qui démontre de l'urgence dans laquelle j'étais, d'évacuer toutes ces pensées et tout ce que j'ai pu retenir pendant cette période de silence. Je me suis senti mieux dès lors que j'ai pu rencontrer mes copains et mettre en chanson un abcès qui commençait déjà à me faire mal au ventre parce que ça faisait trop. Moi, je ne sais pas raconter, je ne sais pas partager. Je ne vais pas avoir un psy. Donc, les chansons sont pour moi l'unique thérapie possible. Et c'est pourquoi il y a eu un avant et un après. Je dirais même que ceux qui étaient avec moi lors de la période d'écriture ont vu l'évolution des thématiques aller de la plus sombre à la plus légère au gré des jours. Parce que je me sentais de plus en plus fort et le regain de vie opérait concrètement, minute après minute. Ça, ça a été puissant et libérateur.

“C Amir” et non, “C'est Amir”. Je me suis posée la question, évidemment, avant la préparation de cette interview, en me demandant pourquoi “C” et pas “C'est”. Et c'est tout simplement l'anagramme de ta maman, Carmi, qui est décédée il y a une année et demie. Quel hommage, Amir?

Oui, de toute façon, c'était inévitable et je pense que si elle avait été là, elle serait trop gênée que je mette son nom directement en avant. Et c'est un petit cadeau de la vie de découvrir qu'on peut raconter deux histoires au travers de ce nom, lui rendre hommage de manière pudique et dire en même temps que c'est l'album qui me raconte dans la plus grande des profondeurs, des densités, des impudeurs. Et “C Amir”, ça veut tout dire.

Tendre hommage aussi avec le premier titre de l'album, “1er slow”, hommage à ta maman, mais aussi à ton papa, un joli slow, une jolie balade avec un son rétro, un son des années 60. L'idée de cette chanson, aussi, est très touchante. Elle est venue quand tu étais dans cette maison avec tes amis compositeurs où tu voyais ton papa errer d'une pièce à l'autre, sans repère, sans ta maman, sans sa femme à appeler, et là tu t'es dit il faut que je fasse quelque chose?

C'est exactement ça. C'est une chanson qui était à la fois difficile et nécessaire à mettre au monde. Elle n'était pas prévue du tout dans l'album, mais c'est mon père qui me l'a inspirée et je me suis adonné à l'exercice immédiatement, comme si maintenant on arrête tout et on va s'occuper de papa, on va lui faire un cadeau. Et ce que j'avais imaginé musicalement serait peut-être utile pour lui, surtout dans des moments où il ne va pas bien et il y en a malheureusement souvent. C’était  de le faire voyager dans ces instants où ils étaient au sommet de leur superbe, où ils tombaient amoureux, où ils dansaient ce premier slow. Et je sais que mon père l'a comprise instantanément. J'ai vu son état quand il l'a entendu pour la première fois et ça a suffi pour moi pour comprendre que cette chanson valait le coup d'être écrite. 

Autre hommage, mais cette fois pour ta grand-maman maternelle, Esther, avec le titre «Dans ta tête». C'est un hommage qui est plutôt joyeux, tout en tendresse, tout en poésie. Tu parles de cette démence qui l’a atteinte trois ans avant son décès, et comme tu le dis, au lieu d'éprouver de la pitié pour elle, tu la trouvais presque chanceuse de ne pas se rendre compte de tout ce qui se passait à ce moment-là?

C'est exactement ça. J'ai pris le contrepied de l'attitude que toute ma famille avait quand elle venait la visiter dans cet Ehpad, où on se rappelait des jours où elle dansait sans arrêt et qu'elle était heureuse. C'est vrai qu'elle avait tout perdu, sauf son sourire. Et j'ai décidé de trahir un petit peu cette attitude de pitié et d'aller chercher la lumière dans ce qu'elle a, et de voir le côté positif. Et on a habillé tout ça de poésie. On a voulu qu'elle puisse la comprendre, cette chanson. C'est pourquoi j'ai choisi de chanter le refrain dans sa langue maternelle, qui est l'arabe marocain. Je ne parle pas cette langue, mais j'ai été coaché.

Finalement, j'aimerais conclure en rendant aussi un petit hommage à ta maman en te demandant quel est ton Crush avec ta maman, ton plus beau souvenir avec elle, Amir? 

C'est un souvenir qui s'étend sur 38 ans de vie. C'est chaque fois que j'avais la chance d'échanger avec elle en tête à tête. Il n'y a pas eu une seule fois où je n'ai pas retenu quelque chose. Comme si elle savait qu'elle devait me laisser un héritage éducatif, comportemental, spirituel. Et chaque rendez-vous, c'est un maillon, c'est une perle de collier. C'est les choses que je garde précieusement aujourd'hui en moi, parce que ça a fait de moi ce que je suis et qu'il n'y en aura plus. 

Ecoutez l'interview complète d’Amir: 

RadioFr. - Virginie Pellet
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