Audrey Werro vue par André Bucher

En 2001, André Bucher remportait l'or sur 800 m aux Championnats du monde d'Edmonton, au Canada. Vingt-quatre ans plus tard, Audrey Werro pourrait bien imiter son illustre prédécesseur à Tokyo.

Audrey Werro: de grands espoirs à Tokyo © KEYSTONE/MICHAEL BUHOLZER

Bucher était devenu le deuxième Suisse à remporter une médaille d'or dans des Mondiaux d'athlétisme après Werner Günthör. Ce Lucernois de 48 ans, père de quatre enfants, vit aujourd'hui dans le canton de Zurich et n'entretient plus que des contacts occasionnels avec le milieu de l'athlétisme suisse. Il a accepté de répondre aux questions de Keystone-ATS avant l'entrée en lice d'Audrey Werro aujourd'hui à 12h58.

André Bucher, comment analysez-vous la façon de courir d'Audrey Werro ?

"Audrey a une tendance naturelle à dicter les courses. Elle est prédestinée à être une coureuse de tête. Mais cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas briller dans une course plus tactique. Chacun a ses préférences. Audrey est certainement quelqu'un qui a envie de courir à l'avant."

Certains experts disent qu'elle a parfois du mal à se faire une place dans le peloton avec sa grande taille et sa longue foulée. Partagez-vous cet avis ?

"Elle a pu constater lors de centaines de courses qu'il y a des coureuses plus grandes et plus petites, certaines ayant des longues foulées et d'autres des plus courtes. C'est aussi difficile pour ses adversaires de courir avec quelqu'un comme elle qui a une très longue foulée. Je ne pense pas que cela irrite Audrey. Mais c'est certainement plus facile si la coureuse devant elle suit le même rythme. Je connais cela de mon temps avec les meneurs d'allure: une taille similaire fonctionne mieux."

Davantage de pression

Quelle devra être la tactique d'Audrey Werro à Tokyo ?

"Ce serait une erreur de ma part de lui donner des conseils. Elle a déjà montré à maintes reprises ce dont elle est capable en compétition. Avec son nouveau statut, elle va toutefois ressentir davantage de pression. Il sera intéressant de voir comment elle la gère. Mais je ne m'inquiète pas. Au Weltklasse, elle a annoncé son record et est allée au bout de son ambition. C'était du grand spectacle."

Une course tactique en série ou en demi-finale ne la mettrait-elle pas inutilement en danger ?

"Dans les courses tactiques, il y a toujours des impondérables. Le peloton est serré, il y a des bousculades, on peut trébucher, on est bloqué ou on doit faire le tour par l'extérieur. Les courses tactiques comportent bien sûr plus de risques."

Alors pourquoi ne pas simplement courir en tête ?

"En tant que coureuse de tête, on a besoin de plus d'énergie, non pas à cause du manque de vent, mais d'un point de vue mental. En tant que poursuivante, on peut rouler avec, on ne doit s'occuper de rien, juste suivre le rythme. Quand Audrey court devant, elle doit vraiment toujours accélérer. D'un autre côté, être coureuse de tête présente aussi des avantages. La tactique est simple et permet d'imposer sa course à ses concurrentes."

Un "diamant brut"

Depuis quand avez-vous Audrey Werro dans votre radar ?

"Tout d'abord, je veux saluer le niveau du 800 m féminin en Suisse. Il est en effet incroyable que des sélections pour les Championnats du monde soient nécessaires en Suisse. Et que les athlètes doivent ensuite courir sous les deux minutes pour y participer. J'ai toutes ces femmes sur mon radar depuis un certain temps déjà et je trouve que c'est une évolution très cool. Et pour répondre à votre question, Audrey m'est apparue très tôt comme un diamant brut."

Qu'entendez-vous par "diamant brut" ?

"J'ai vu Audrey courir quand elle était jeune et je me suis dit: 'Elle a encore du potentiel, tout n'est pas encore en place, mais elle est déjà très, très rapide'. Elle a fait beaucoup de progrès au sein de la relève, même si son style n'était pas techniquement propre. Lorsque je l'ai vue au Weltklasse de Zurich, j'ai eu le sentiment qu'elle avait fait un grand pas en avant."

ATS
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