Berne veut faire inscrire le yodel à l'Unesco

La Suisse veut l'ajouter au patrimoine culturel immatériel l'Unesco. Elle entend ainsi préserver ce chant vibrant de bergers des Alpes devenu avec le temps un emblème du pays.

Ce dimanche, un groupe a yodelé dans l'église catholique à Lommis, en Thurgovie. © KEYSTONE/Gian Ehrenzeller

L'Unesco doit examiner cette semaine les candidatures de différents pays, dont celle déposée en 2024 par la Confédération pour faire reconnaître au patrimoine culturel immatériel de l'humanité cette tradition vivante pratiquée par quelque 12'000 yodleuses et yodleurs à travers le pays.

Le yodel est aussi pratiqué en Autriche et en Allemagne, mais alors que la Suisse s'était alliée à la France pour faire reconnaître la tradition horlogère de l'arc jurassien en 2020, elle a cette fois fait cavalier seul pour cette candidature.

"L'identité de la Suisse"

La Suisse compte 780 clubs de yodel et pour Markus Egli, chef de chorale du club Bürgerturner-Jodler de Lucerne, cette candidature est un bon moyen d'assurer la relève. "C'est important pour l'avenir", a-t-il expliqué.

"Ce chant fait partie de notre culture, de l'identité de la Suisse", défend-il, expliquant que d'après la tradition orale, ce chant était à l'origine "un moyen de communication d'une montagne à l'autre".

Membre de cette chorale depuis bientôt 50 ans, Max Britschgi, 79 ans, y voit une célébration de la nature, expliquant qu'il se sent "connecté aux montagnes" par ce chant. Le ténor qui apprécie aussi cette tradition pour la "camaraderie et la connexion avec les autres".

Cette technique de chant alterne des voix de poitrine, dans les graves, et des voix de tête, dans les aigus, qui sont "les plus compliquées", selon Yvonne Eichenberger, 35 ans, la soprano de la chorale. "Cela nécessite du temps et de l'exercice", explique-t-elle.

Selon Julien Vuilleumier, conseiller à l'Office fédéral de la Culture (OFC) pour cette candidature, les origines de ce chant sont floues. Mais le "yodel tel qu'on le connaît aujourd'hui s'est codifié au XIXe et au XXe siècles" pour s'intégrer "aux chants populaires", avec "des inspirations croisées" entre les montagnes du Tyrol (Autriche, Italie), le sud de l'Allemagne et la Suisse, a-t-il indiqué.

Sa portée dépasse la Suisse puisque, avec les vagues d'émigration, le chant s'est intégré à la musique folk américaine, dont la musique country. Et il continue d'évoluer puisqu'il fait aussi des incursions dans "des formes plus expérimentales, à la frontière du jazz, de la pop et du rock", a-t-il expliqué, à l'image par exemple du "yodelton", création d'un artiste vaudois qui y mêle des rythmes de reggaeton.

Avec cette candidature, la Suisse entend valoriser une tradition qui se transmet dans les familles, les chorales et même désormais dans l'enseignement supérieur avec un master en yodel créé en 2018 à la Haute école de Lucerne.

Huit traditions

En 2014, le Conseil fédéral avait approuvé une liste indicative de huit traditions suisses qu'il souhaitait voir inscrites au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Outre l'alpinisme et les processions de la Semaine sainte à Mendrisio, l'UNESCO y a déjà inscrit la Fête des vignerons de Vevey (VD), le carnaval de Bâle, la gestion des avalanches et la construction des murs en pierres sèches.

Les dossiers du yodel et du design graphique et typographique suisse sont encore en attente. La Suisse a également été associée aux inscriptions multinationales de l’art de la construction en pierre sèche, de l’alpinisme, des ateliers de cathédrales et de l’irrigation traditionnelle.

La liste du patrimoine culturel immatériel doit documenter et sauvegarder les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les rituels et événements festifs, l'artisanat traditionnel ainsi que les savoirs et les pratiques concernant la nature. Il ne faut pas la confondre avec la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO sur laquelle la Suisse a fait inscrire douze sites depuis 1983.

ATS
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