Une boulangerie en moins à Charmey: "Ça fait un choc"
L'une des deux boulangeries de Charmey, Les Arcades, a fermé il y a une semaine. La nouvelle a ému de nombreux habitants. Reportage.
Elle ressort de la boulangerie des Arcades avec un sac en papier dans les mains. A l'intérieur: des tuiles. "C'est leur spécialité", précise dans un sourire Denise. La scène se déroule vendredi passé, soit deux jours avant la fermeture définitive de ce commerce historique qui jouxte la route principale de Charmey.
Désormais, Denise n'y trouvera donc plus ces gourmandises. L'exploitant, Joachim Protze, a baissé le rideau. La retraitée est émue: "Ça fait un choc. C'était une boulangerie conviviale, le personnel était très serviable, il faisait des choses excellentes."
Terrasse panoramique
Un avis enthousiaste partagé par Christiane, rencontrée à l'arrêt de bus en face de l'établissement. Elle s'y rendait aux aurores. "Le matin, c'était déjà ouvert à 5h30. Beaucoup de travailleurs du génie civil s'arrêtaient prendre leur sandwich. Il y avait un tea-room et une belle terrasse derrière, avec vue sur le Moléson et la Dent de Broc!"
Eux ont justement profité du tea-room une dernière fois vendredi passé, sans le savoir. On retrouve Olivier et Chantel attablés, après une randonnée à ski. "C'était sympa au milieu du village. On s'arrêtait souvent ici après nos sorties en montagne pour boire un verre ou manger quelque chose."
"Justement, on est quand même un grand village. Ils se prétendent être une station. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'une petite boulangerie qui est limitée dans certains produits. C'est dommage!", réagit Michelle Tornare, une voisine. Fille de l'ancien tenancier, à la tête de son établissement jusqu'au début des années 60, elle connaissait bien les lieux.
Chaque année, en Suisse, une cinquantaine de boulangerie baissent le rideau. Alors pourquoi cette fermeture à Charmey? Ce n'est pas une question de rentabilité ou de manque de clients, affirme Joachim Protze, qui tenait cette boulangerie depuis plus d'une décennie: "Le propriétaire a résilié le contrat de bail pour la deuxième fois en quinze ans. Là, j'ai décidé de ne pas demander de nouveau contrat."
Il craignait de nouvelles clauses qui lui auraient été défavorables. Trop d'inconnues pour lui, dans un contexte de relations "déjà tendues" avec le propriétaire: "Les locaux devenaient vieux, il aurait fallu penser à les moderniser, les agrandir. Mais il n'y avait pas de projet possible ou discutable."
Un pied encore en Gruyère
Le boulanger a donc préféré s'en aller, surtout qu'une opportunité s'est présentée à lui: depuis début mars, il a repris la boulangerie Grandjean Frères à Givisiez, en conservant l'ensemble du personnel des deux boulangeries.
Mais il assure qu'il n'abandonne pas la commune gruérienne pour autant. "Je vais continuer à livrer à Charmey les clients particuliers pour des choses particulières, comme les pains burger, que je fournissais parfois à l'hôtel-restaurant de l'étoile. Je livrerai aussi tous les commerces le jeudi, le jour où l'autre boulangerie du village est fermé. Je suis Charmeysan, cela ne m'allait pas de laisser tous mes clients comme cela!"
Pour l'instant, on ne sait pas ce que ces locaux, désormais vides, deviendront. Une nouvelle boulangerie, si des travaux de modernisation se font? "Dans le village en tout cas, deux boulangeries ne seraient pas de trop", estime le syndic de Val-de-Charmey, Gonzague Charrière.
Un commerce en moins, triste, mais pas dramatique, veut croire pour sa part, Antoine, avec optimisme: "Charmey est un village très vivant avec énormément de commerces et de services. Il ne va devenir sinistre avec un commerce en moins!"