Des cargos à voile? Une équipe y travaille à Givisiez
Le projet des scientifiques du Centre Recherche et Technique de Michelin avance. Les tests sur le lac et la mer ont été concluants.
Equiper les cargos de voiles pour réduire leurs polluantes émissions de CO2: c'est l'idée développée notamment par une équipe du centre de recherche de Michelin basé à Givisiez, dans l'agglomération fribourgeoise. Un centre peu connu, car longtemps resté secret.
Les scientifiques du projet Wisamo ont donc mis au point une immense voile gonflable, au mât télescopique, qu'ils ont d'abord testée sur le lac de Neuchâtel à l'été 2021, sur le voilier du navigateur français et double vainqueur du Vendée Globe Michel Desjoyeaux.
Un équipage enthousiaste
Les tests sur le lac ayant été concluants, d'autres essais ont été faits l'an passé, entre juin et décembre 2023. Des essais en mer, cette fois. Objectif: comprendre les contraintes industrielles qui existent sur un navire marchand.
"La voile a été déployée sur un cargo de 154 mètres de long. Un roulier de la Maritime Nantaise qui effectue une fois par semaine un aller-retour entre Bilbao en Espagne et Poole en Angleterre", précise à RadioFr. Christophe Penot, directeur du Centre Recherche et Technique de Michelin.
L'équipe fribourgeoise s'est donc rendue à plusieurs reprises sur ce cargo. Résultat? Mis à part "le mal de mer pour certains chercheurs", sourit le directeur, l'aventure a été concluante. D'abord, l'équipage, non formé à la voile, a adopté ce nouvel outil avec enthousiasme. Un élément qui conditionnera la réussite du projet.
Efficacité confirmée
Ensuite, ces tests ont permis aux chercheurs d'emmagasiner de nombreuses informations, de déterminer par exemple à quelle force de vent la voile résiste, de s'ajuster face aux difficultés, sur le mât rétractable, ou l'impact du sel par exemple, selon Christophe Penot. "On est encore en train d'apprendre!"
L'efficacité de cette innovation développée en grande partie dans le canton de Fribourg a aussi été confirmée. Cette voile gonflable devrait aider à réduire de 20% la consommation de gasoil des bateaux. Et il y a du potentiel: aujourd'hui 60'000 cargos sillonnent les mers.
Le transport maritime de marchandises est responsable de 3% des gaz à effet de serre au niveau mondial. Le secteur devra de toute façon faire des efforts pour limiter sa pollution. L'an passé, un accord international a été trouvé pour réduire de 40% les émissions de CO2 du transport maritime de marchandises, par rapport à 2008. Ces immenses voiles feront donc probablement partie des solutions à la disposition des acteurs du secteur.
Changer d'échelle
Désormais, une nouvelle étape va être franchie: six scientifiques du centre de recherche à Givisiez, en lien avec des salariés d'une entreprise de Michelin basés à Nantes et à Vannes, dans l'ouest de la France, vont travailler sur la conception d'une voile gonflable destinée à des plus gros navires.
Une voile 5 à 8 fois plus grande que le premier prototype. Un changement d'échelle pas anodin, reprend Christophe Penot: "Cela implique de repenser les matériaux, de refaire des séries de calculs ou encore trouver de nouveaux fournisseurs par exemple." Ces voiles devraient équiper un premier cargo en 2026. Les investissements pour ce type de projet se montent à plusieurs dizaines de millions de francs.