Des détenus de Bellechasse dénoncent leurs conditions
Ils ont signé une pétition et fait grève jeudi. Les autorités qualifient ces plaintes de "courantes". Témoignage d'un ancien détenu.

Les détenus de l’un des bâtiments de la prison de Bellechasse, à Sugiez, se plaignent de plusieurs dysfonctionnements. Environ quarante prisonniers ont fait la grève jeudi dernier et ont refusé d’aller travailler, par exemple pour plier des boîtes de montres pour des marques de luxe. Ils ont adressé une pétition de plusieurs pages écrites à la main à la direction de l'établissement.
L'un des prisonniers qui a fait la grève a accepté de témoigner de façon anonyme. Emmanuel (nom d'emprunt) est sorti de prison lundi, après avoir purgé sa peine de cinq mois pour une infraction à la loi sur la circulation routière. Il se dit profondément marqué par son passage dans l'univers carcéral fribourgeois et parle même de "torture psychologique".
Pour Emmanuel, parmi tous les problèmes de Bellechasse qu’il dénonce, c’est l’absence de suivi médical dont il dit avoir souffert qui est le plus difficile à supporter. "J’ai dû attendre deux mois et une semaine pour avoir un rendez-vous chez le médecin pour mon épaule luxée. On m’a aussi privé de médicaments de façon arbitraire pour mes problèmes cardiaques durant de nombreuses heures. J'ai pleuré chaque jour. Tout le monde est en souffrance en prison", explique l’ancien détenu.
Refus de visites, aliments trop chers
Dans leur pétition, les prisonniers évoquent aussi des refus de visites. +Des pères ne peuvent pas voir leurs enfants", écrivent-ils. Les prix pratiqués au magasin qui leur permet de s’acheter de la nourriture, à côté des repas, leur semblent également exorbitants par rapport à leur rémunération. Emmanuel nous indique qu’il était payé 18 francs par jour. "Nous gagnons un petit pécule qui est réinjecté immédiatement dans la prison", explique-t-il. Végétarien, il utilisait cet argent pour s’acheter des fruits ou des œufs.
Le comportement des gardiens n'est en revanche pas remis en cause. "Ils sont en général sympathiques et polis", admet Emmanuel.
Le directeur de Bellechasse, Guido Sturny, a répondu à tous les points de la pétition dans une lettre adressée aux détenus datée du mercredi 28 juin. Concernant les rendez-vous avec les médecins, dentistes ou psychiatres, il écrit par exemple: "Vous comprendrez que leur venue nécessite une organisation particulière car ils interviennent selon la progression de votre traitement et ils ne peuvent pas intervenir en tout temps, tout de suite."
Consultations gratuites
Guido Sturny complète en indiquant qu’il existe chaque jour des permanences du service médical auxquelles les détenus peuvent se rendre en cas de besoin. Il précise également que toutes les consultations à Bellechasse sont gratuites, ce qui n’est pas toujours le cas en prison.
"Ce genre de doléances n’est pas extraordinaire. Cela fait tout simplement partie de la vie de la prison. Nous recevons des plaintes de détenus régulièrement, tout au long de l’année", résume Didier Page, secrétaire général adjoint de la Direction de la justice, de la sécurité et du sport.
La direction de Bellechasse indique encore que si la rédaction d’une pétition est un droit garanti à toute personne détenue, le refus d’aller travailler est à l'inverse une infraction. Elle mène actuellement une enquête interne et a auditionné les détenus ayant fait la grève. "Des décisions à ce sujet seront prises", conclut la direction dans son courrier aux prisonniers.
Didier Page précise aussi que les autorités vont continuer leurs contrôles de qualité habituels à l'intérieur de la prison, notamment par la Commission nationale de prévention de la torture, mais qu'elles ne vont pas en augmenter la fréquence prochainement.
Sorti de prison depuis quelques jours, Emmanuel n'oublie pas ses "anciens camarades". Il fait partie de l'association AF3DF pour aider les détenus dans les établissements fribourgeois à faire respecter leurs droits, améliorer leurs conditions de détention et conseiller leurs proches.