L'approche "non-blâmante" porte ses fruits à l'école

Un élève sur dix est victime de harcèlement au cours de sa scolarité en Suisse, selon des estimations. Pour enrayer ce phénomène, les écoles romandes se dotent depuis quelques années de plans d'action, et parmi eux, la méthode de préoccupation partagée (MPP) est de plus en plus plébiscitée. Au niveau fribourgeois, l'établissement primaire de Cormanon (Villars-sur-Glâne) l'a testée pendant l'année scolaire qui vient de s'achever. À l'heure des vacances, le bilan est réjouissant. "Plus de 80% des situations gérées ici avec la MPP ont pu s'améliorer", résume Philippe Ullnaess, directeur de l'école. Huit cas ont été traités, allant de l'exclusion scolaire au cyberharcèlement. 

Développée dans les années 1970 par le psychologue suédois Anatol Pikas, la méthode de préoccupation partagée repose sur une série de discussions individuelles et protocolaires avec des élèves ciblés, des intimidateurs présumés et des témoins. Ont-ils remarqué la souffrance de l'autre?  Comment peuvent-ils aider? "Avec cette approche, on casse l'effet de groupe. Les idées viennent spontanément des enfants, ils se sentent concernés", observe Sébastien Peiry Folly, travailleur social en milieu scolaire. "L'idée, ce n'est pas de forcer, ni de sanctionner, mais de responsabiliser face aux situations d'intimidations."

Enseignants moins démunis

Les éducateurs de Cormanon voient dans cette méthode un outil efficace, qui permet d'intervenir. "Avant, on était un peu démunis, faire bouger les choses prenait beaucoup de temps", raconte Audrey Kaech, enseignante de 5H et membre du groupe ressource Corman'aide. "Là, si une situation remonte à mes oreilles, je sais immédiatement quoi faire. Et agir rapidement, c'est tout l'intérêt." Pour la pédagogue, c'est aussi le rôle de l'école de prendre en main ces événements qui animent les classes, les préaux, et qui débordent sur les réseaux sociaux avec des conséquences parfois dramatiques.

La méthode de préoccupation partagée est à la portée des établissements, malgré un agenda chargé et des professions qui se complexifient, selon Philippe Ullnaess. "Les rencontres du groupe ressource, ça représente 30 minutes une fois par semaine. La formation des intervenants qui mènent les entretiens individuels s'est déroulée sur un après-midi", souligne-t-il. "On voit aujourd'hui que tout le monde est preneur. Les lignes d'une culture-école de bienveillance se dessinent."

Une évaluation de la méthode de préoccupation partagée est en cours et sera disponible cet automne. Si elle séduit, elle pourrait bien être se généraliser dans les écoles fribourgeoises, en complément à d'autres actions contre les phénomènes de harcèlement-intimidation. L'école de Cormanon, en tout cas, continuera d'utiliser l'approche scandinave dès la rentrée.