La taxe de 50 francs aux urgences ne convainc pas

L'initiative Vert'libérale est discutée à Berne. Médecins, cantons et la Fédération suisse des patients ne soutiennent pas la démarche.

Cette taxe vise à désengorger les urgences, notamment. © KEYSTONE

Les patients se rendent de plus en plus régulièrement aux urgences, ce qui a des conséquences sur ce service. Financières d’abord, car les consultations dans les hôpitaux coûtent en général deux fois plus cher que chez un médecin traitant. Logistiques, ensuite: les urgences sont surchargées. C’est en partant de ce constat qu’un ancien conseiller national Vert'libéral zurichois a déposé en 2015 une initiative parlementaire, qui vise à introduire une taxe de 50 francs pour les patients qui se rendent aux urgences pour des cas bénins. Ce surplus serait à payer sur place, au moment de l’admission.

Les jeunes de moins de 16 ans et les personnes qui nécessitent une prise en charge urgente ou qui ont été envoyées par leur médecin seront exemptés de cette taxe. Seuls les cas bénins devront passer à la caisse.

Débats internes

Après de nombreux allers-retours entre les Chambres fédérales, cette proposition est à nouveau débattue au sein de la Commission de la santé du Conseil national. Au sein des partis, l’idée ne fait pas l’unanimité.

La gauche estime que cette taxe est injuste et qu’elle dissuadera des personnes de se rendre aux urgences pour des questions financières, notamment. La droite, quant à elle, est persuadée que cette mesure permettra aux patients de se poser deux fois la question avant de se rendre à l’hôpital pour un cas qui pourrait attendre et être traité par un médecin généraliste.

On ne peut pas prendre le risque que la personne renonce à consulter, à cause de cette taxe.

Sur le terrain, dans le milieu médical entre autres, cette mesure ne séduit pas non plus. "C’est inéquitable et injuste de faire payer une taxe à une personne qui vient de se blesser", estime Vincent Ribordy, médecin-chef des urgences de l’Hôpital fribourgeois.  "On ne peut pas prendre le risque que la personne renonce à consulter, à cause de cette taxe", poursuit celui qui est aussi le coprésident de la société suisse de médecine d’urgence et de sauvetage.

Ne pas prendre de risque

40'000 patients ont été admis aux urgences de l'HFR l’an passé, ce qui représente une centaine de personnes par jour. Un quart d'entre eux doit être hospitalisé, les autres sont traités en ambulatoires. Parmi ces personnes, environ 20% nécessitent des traitements de premiers recours ou de médecine générale, qui pourraient donc, en théorie, se rendre chez leur médecin traitant plutôt qu’aux urgences.

Mais même s’il ne s’agit pas d’une urgence vitale, il arrive que les patients aient besoin d’une prise en charge d’urgence, par exemple lors d’une coupure au doigt qui doit être recousue rapidement. Et parfois, il est difficile de savoir s’il s’agit d’une véritable urgence. "Une personne qui se rend aux urgences pour une douleur à la poitrine, peut-être qu’elle est en train de faire un infarctus", illustre Vincent Ribordy, qui ajoute qu’il ne faut pas prendre de risque.

"Ce serait injuste"

Du côté de la Fédération suisse des patients, l’avis est partagé. Son vice-président Simon Zurich abonde dans ce sens. "Aujourd’hui, les patients paient de leur poche 65% des coûts de la santé. Ce serait injuste d’augmenter encore cette participation. L’autre risque serait qu’ils renoncent à se faire soigner pour des raisons financières et de voir ainsi leur état de santé s’aggraver, ce qui pose des problèmes pour eux sur le plan personnel, mais aussi financier. C'est en effet toujours plus cher de prendre en charge quelqu’un avec du retard, alors qu’on aurait pu en faire moins en le prenant directement en charge."

Mais que les urgences soient surchargées ou non, que les patients aient les moyens ou non de payer la taxe d’admission, Vincent Ribordy indique qu’il n’est pas question de refuser la prise en charge d’un patient pour des questions financières, car il pourrait s’agir de non-assistance à personne en danger.

RadioFr. - Lauriane Schott
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