Gaza bombardée, Blinken de retour en Israël

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a appelé mardi à Tel-Aviv Israël à épargner les civils palestiniens dans sa guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, estimant que ceux-ci, notamment les enfants, payaient un prix "bien trop élevé".

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, qui effectue sa quatrième tournée au Proche-Orient depuis le début de la guerre, était de retour en Israël mardi. Il tente d'éviter que le conflit ne s'étende à la région. © KEYSTONE/EPA/ABIR SULTAN / POOL

Les hostilités sont entrées dimanche dans leur quatrième mois et, malgré de nombreux efforts diplomatiques, rien ne semble pouvoir y mettre un terme, alors que l'ONU tire la sonnette d'alarme sur les conditions de vie désastreuses de la population dans le territoire assiégé.

M. Blinken, dont le pays est le principal allié d'Israël, a réaffirmé au premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "le soutien (américain) au droit d'Israël à empêcher une répétition des attaques du 7 octobre", tout en insistant sur "l'importance d'éviter plus d'atteintes aux civils" à Gaza, selon le département d'Etat.

"Le prix payé chaque jour par les civils à Gaza, notamment les enfants, est bien trop élevé", a-t-il dit ensuite lors d'une conférence de presse, notant que le territoire palestinien avait besoin de recevoir "plus de nourriture, plus d'eau, plus de médicaments".

Mission d'évaluation de l'ONU

"Nous nous sommes mis d'accord aujourd'hui sur un plan permettant aux Nations unies de mener une mission d'évaluation, qui déterminera ce qui doit être fait pour permettre aux Palestiniens déplacés de rentrer chez eux en toute sécurité dans le nord" de Gaza, a déclaré à la presse le secrétaire d'Etat américain à l'issue d'entretiens avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son gouvernement.

M. Blinken n'a livré aucun détail sur la forme que prendrait cette mission de l'ONU ni sur un calendrier, soulignant seulement qu'elle intervient "au fur et à mesure que la campagne (militaire) s'engage dans une moindre intensité dans le nord de la bande de Gaza".

Mais, a-t-il ajouté, "il y aura d'importantes choses à évaluer y compris la présence de pièges et autres explosifs laissés par le Hamas".

Il a en outre exhorté Israël à "cesser de prendre des mesures qui sapent la capacité des Palestiniens à se gouverner eux-mêmes".

Par ailleurs, la Cour suprême israélienne a rejeté mardi une demande des médias internationaux d'accéder librement à la bande de Gaza, invoquant "la situation sécuritaire extrême" dans le territoire palestinien.

Pression "cruciale" sur l'Iran

Un correspondant de l'AFP a fait état de bombardements intenses dans la nuit de lundi à mardi à Khan Younès et Rafah, les grandes villes du sud du territoire, où des milliers de personnes ont trouvé refuge depuis le début de la guerre, après des bombardements intenses dans le nord.

L'armée israélienne a annoncé une nouvelle phase de la guerre, son porte-parole Daniel Hagari affirmant lundi au New York Times qu'elle impliquerait moins de soldats et de frappes aériennes, ajoutant que le déploiement des troupes serait réduit à partir de janvier.

Lors d'un entretien avec M. Blinken, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a par ailleurs dit que les opérations de l'armée allaient s'intensifier dans la région de Khan Younès.

Premier soutien politique et militaire d'Israël, les Etats-Unis insistent sur l'"impératif absolu" de minimiser les pertes en vies de civils palestiniens, disant presser les autorités israéliennes d'adapter leur campagne militaire en vue d'actions plus ciblées, afin également de permettre l'acheminement en quantité beaucoup plus importante d'aide humanitaire.

M. Blinken a débuté la semaine dernière une tournée dans plusieurs pays du Moyen-Orient visant notamment à essayer d'éviter un débordement du conflit dans la région, où le Hamas compte plusieurs alliés, avec des groupes armés soutenus par l'Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen.

Accroître "la pression sur l'Iran est crucial" et "pourrait empêcher une escalade régionale" sur d'autres fronts, a dit mardi M. Gallant lors de sa rencontre avec M. Blinken.

Le Hezbollah libanais, un des bras armés de Téhéran. a annoncé mardi avoir visé avec des drones un centre de commandement militaire dans le nord d'Israël, pays voisin du Liban, en représailles à la mort d'un de ses commandants, Wissam Tawil, tué lundi dans une frappe attribuée à Israël.

Israël a confirmé qu'"un appareil aérien ennemi était tombé sur sa base", sans faire de blessé.

"Ramenez-les maintenant"

Un drone israélien a en outre visé une voiture stationnée dans une localité du sud du Liban, selon l'Agence officielle libanaise Ani. L'attaque a fait "trois morts au sein du Hezbollah", a déclaré à l'AFP une source de sécurité.

De son côté, le palais royal jordanien a déclaré que le roi Abdallah II accueillerait mercredi le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas pour des discussions sur Gaza.

Ces discussions s'inscriraient dans le cadre des efforts déployés par la Jordanie pour "obtenir un cessez-le-feu immédiat à Gaza et garantir l'acheminement ininterrompu de l'aide humanitaire", a indiqué le palais royal.Mardi, Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas, considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et l'Union européenne, a appelé les pays musulmans à "soutenir" son mouvement dans la guerre en lui fournissant "des armes".

En visite lundi en Arabie saoudite, M. Blinken avait déclaré avoir discuté de la normalisation des liens entre Ryad et Israël, dont le processus a été suspendu après le début de la guerre.

Lors d'un entretien mardi avec le président israélien Isaac Herzog, il a évoqué le "moment très difficile" que traverse Israël, tout en estimant que le pays avait des "chances réelles" d'intégration au Moyen-Orient avec ses voisins arabes.

En marge de ses entretiens avec les responsables israéliens, le secrétaire d'Etat américain a rencontré dans l'après-midi des familles d'otages, réitérant les "efforts sans relâche pour les faire libérer".

Quelque 250 personnes ont été enlevées lors de l'attaque du 7 octobre en Israël et emmenées à Gaza, dont une centaine ont été libérées depuis.

Mardi matin, un petit groupe de manifestants rassemblés devant l'hôtel où M. Blinken rencontrait le président israélien réclamaient la libération des otages, scandant notamment "Ramenez-les maintenant".

"Catastrophe humanitaire"

Dans le même temps, les organisations internationales alertent sur le désastre sanitaire dans la bande de Gaza, où 85% de la population a été déplacée et où l'aide humanitaire arrive au compte-gouttes.

En dépit d'une résolution le mois dernier du Conseil de sécurité de l'ONU qui demandait que davantage d'aide puisse être acheminée, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) les choses n'ont fait qu'empirer.

L'organisation a déclaré mardi voir sa capacité de venir en aide aux habitants de Gaza se "réduire", parlant de "catastrophe humanitaire".

Le conflit a également fait monter la violence à un niveau inédit depuis près de vingt ans en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967.

L'Autorité palestinienne a accusé mardi les forces israéliennes d'avoir roulé sur le corps d'un homme lors d'une opération militaire. Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux montre un véhicule militaire s'arrêtant devant un corps inanimé avant de redémarrer et de lui rouler dessus.

L'armée israélienne, qui mène fréquemment des opérations en Cisjordanie, a confirmé des échanges de tirs lors d'une opération dans le secteur de Tulkarem (nord) et la mort de "trois terroristes", mais n'a pas fait de commentaires sur les images.

A La Haye, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déclaré mardi que les crimes contre les journalistes étaient inclus dans son enquête sur des crimes de guerre à Gaza, où plusieurs dizaines de journalistes ont été tués.

La guerre entre Israël et le Hamas a été déclenchée par une attaque inédite menée le 7 octobre depuis la bande de Gaza par le mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien qui a fait environ 1.140 morts, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir du bilan israélien.

En représailles, Israël, qui a juré de détruire le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, a lancé une offensive dans le territoire palestinien, avec des bombardements massifs et des opérations au sol.

Depuis le début de l'offensive terrestre le 27 octobre, 185 soldats israéliens ont été tués, dont neuf lundi, selon un bilan publié mardi.

Les frappes de l'armée israélienne ont fait elles plus de 23.210 morts dans le territoire palestinien, essentiellement des femmes, des adolescents et des enfants, selon un bilan du Hamas mardi.

ATS
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