"Il me manque, ce Garden Centre!"

Elle habite à Châtel-sur-Montsalvens. Elle a vue sur les montagnes et un grand jardin. Depuis la fenêtre de sa cuisine, Yvettte Barras, 74 ans, désigne avec le sourire des fleurs en contrebas de la maison: "Cette plante qui s'apprête à fleurir, là, ce sont des edelweiss. C'est un souvenir du Garden!" Pendant plus de 20 ans, elle s'y est rendue régulièrement, dans cette jardinerie. Presque à chaque saison: "le printemps pour les pensées, l'été pour les fleurs du tour de la maison et le potager. Il y avait du choix, et on était toujours très bien conseillé."

Mais ce printemps, cette grand-maman et arrière-grand-maman s'est sentie désemparée. Un peu orpheline: le Garden-Centre de La-Tour-de-Trême, qui avait ouvert en 1995, n'est plus là. Il a fermé ses portes fin décembre. "Nous aurions dû investir un demi-million de francs pour mettre la jardinerie aux normes et effectuer des travaux au sous-sol. C'était trop lourd pour notre entreprise, ce n'était pas rentable", justifie Nicolas Brönnimann, l'ancien propriétaire, qui possède une autre jardinerie à Noville, dans le canton de Vaud. Il a donc décidé de vendre la parcelle à un promoteur immobilier. Le montant de la transaction reste confidentiel.

Du personnel à l'écoute

La fermeture remonte donc à près de six mois, mais la nostalgie est toujours présente chez Yvette Barras, comme chez d'autres clients fidèles: "Il me manque, ce Garden-Centre!, lance-t-elle. On en a encore parlé avant-hier avec ma belle-sœur au téléphone. Surtout une semaine comme celle-ci, avec de la pluie par intermittence: on se disait: "ah c'est un temps à planter des poireaux", alors on allait vite en bas, pour acheter des poireaux, pour pouvoir les repiquer au bon moment! C'était facile d'accès." Yvette appréciait aussi décembre et le marché de Noël dans cette jardinerie. "On se réjouissait d'année en année d'aller là-bas!"

Les mois passant, une question préoccupe de plus en plus la septuagénaire et certaines de ses amies: comment feront-elles pour les arrangements de la Toussaint? "Moi par exemple, j'aime les arrangements avec des fleurs séchées, des racines, des écorces, qui ressemblent à la forêt, en souvenir de nos défunts, confie-t-elle. Au Garden-Centre, les vendeurs et les vendeuses étaient à l'écoute, ils nous connaissaient, ils nous livraient ce qu'on demandait, c'était toujours très beau. Cette année, ce ne sera pas pareil."

Des magasins anonyme et difficiles d'accès

La Gruérienne va donc devoir trouver ses arrangements à poser sur les tombes dans une autre jardinerie de la région. Car elle a bien dû aller ailleurs acheter des fleurs ou des plantons, depuis le mois de janvier. Mais elle explique qu'elle n'y trouve pas son compte: "C'est plus anonyme, on vient et on repart. Et puis on n'a pas toujours devant nous les fleurs, il faut les commander. Des idées nous viennent après, quand on est de retour à la maison, mais c'est trop tard."

Il faut aussi aller plus loin, en voiture. "J'ai des difficultés à trouver une place de parc, l'accès est toujours plus compliqué pour les personnes âgées." Enfin, Yvette Barras ne retrouve plus, dans les autres enseignes, le côté social qu'avait ce Garden-Centre: "C'était un lieu d'échanges. On y rencontrait souvent des amis ou de la famille au milieu des rayons de fleurs. On se demandait si on avait commencé notre jardin, mis nos oignons. On causait, c'était agréable. L'ambiance était chaleureuse."

Aujourd'hui, à La-Tour-de-Trême, le bâtiment du Garden-Centre a été rasé. Des travaux ont commencé fin mai: trois immeubles de quatorze appartements chacun ainsi qu'un parking souterrain seront construits. Des jardins seront aussi aménagés, selon le promoteur immobilier. Le chantier devrait être terminé en 2024.