Habitants indonésiens face à Holcim à Zoug
Des habitants de l'île indonésienne de Pari ont réclamé mercredi des indemnités au cimentier suisse Holcim devant la Cour zougoise de première instance. Ils ont invoqué le fait que la montée des eaux qui menace leur île a été provoquée par le réchauffement climatique.
A l'issue de l'audience, la Cour civile a annoncé qu'elle se prononcerait sur la recevabilité de la plainte "en temps voulu" et ce, par écrit.
Les quatre plaignants ont exigé de la part du groupe zougois Holcim une indemnisation, une nette réduction de ses émissions de CO2 et une contribution aux coûts liés par la protection de l'île contre la montée des eaux. Selon eux, l'entreprise suisse active dans le monde entier est co-responsable du changement climatique qui menace leurs conditions de vie.
Part à payer
Les dégâts et les coûts liés à la montée du niveau des mers n'ont pas été provoqués par les habitants de l'île, a déclaré une plaignante. De plus, l'argent manque pour prendre des mesures protégeant l'île davantage. Si les eaux continuent à monter, les 1500 habitants de l'île devront la quitter d'ici à la fin du siècle.
Selon l'avocate des plaignants, le groupe Holcim a émis, au cours de son histoire, plus du double de la quantité de CO2 diffusé par la Confédération en tant qu'Etat. D'après une étude de l'institut Climate Accountability, l'entreprise est responsable de 0,42% des émissions globales de CO2 depuis 1750. Elle doit donc financer cette même part dans les coûts auxquels les plaignants font face en raison du réchauffement climatique, estime la partie plaignante.
Les droits de la personnalité des quatre plaignants sont violés par les conséquences des émissions de CO2 de Holcim, a affirmé leur avocate. D'après elle, le traitement de cette plainte constitue "une simple routine" pour une cour civile, car les intérêts en jeu sont d'ordre personnel, pratique et actuel.
Le changement climatique: une cause globale
Holcim conteste la recevabilité de la plainte par un tribunal zougois. L'avocate du groupe a qualifié celle-ci de "mise en scène artificielle" et de "campagne coordonnée".
Les habitants de Pari sont autant touchés par le changement climatique que le reste de la population mondiale, a-t-elle souligné. Il ne peut donc pas être question d'intérêts concrets dignes d'être protégés. En Suisse, par ailleurs, la responsabilité de la protection du climat incombe au législateur. Une cour civile n'a pas le droit d'imposer des mesures supplémentaires, estime la défense.
En outre, même un arrêt des activités de Holcim ne changerait rien à la situation des plaignants sur leur île. A sa place, un autre groupe reprendrait alors sa part de production de ciment, peut-être dans un pays aux contraintes moins importantes en matière de protection du climat, ont défendu les avocats de l'entreprise zougoise. Il faut donc coordonner la baisse des émissions de CO2 sur le plan mondial.
"Procès politique"
La plainte civile déposée contre Holcim ne peut donc mener qu'à un "procès politique" mené par des organisations non gouvernementales comme l'Entraide protestante suisse (EPER). Cette dernière ne s'en cache pas: elle appuie la plainte à travers une campagne de soutien et de sensibilisation. Elle organise aussi des évènements liés à la plainte.
Dans un communiqué de l'EPER diffusé après la fin de l'audience, une plaignante déclare au sujet de la décision à venir du tribunal: "Je suis optimiste. (...) En fin de compte, il en va de nos moyens d'existence."
Pour sa part, le groupe Holcim a réaffirmé, par écrit, sa détermination à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050, indépendamment de la décision de la justice civile. Cet objectif correspond au but fixé par l'Accord de Paris de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.
La plainte civile contre Holcim est une première pour la justice suisse. Jamais une entreprise helvétique n'avait auparavant été attaquée par ce biais pour sa responsabilité présumée dans les dégâts liés au changement climatique.