Halloween: et si la peur aidait les enfants à grandir?
La peur est une émotion normale et utile. À condition d’être reconnue et accompagnée, même quand elle surgit derrière un masque de monstre.

Peur du noir, des monstres ou des bruits bizarres: les frayeurs d’enfants font partie du quotidien des parents. Avant Halloween, moment où tout devient un peu plus effrayant, nous avons rencontré la pédiatre Elisa Gaona Obrist, qui est également cofondatrice de la page Instagram Pédiatrie douce.
Radio Fribourg: La peur chez l’enfant, est-elle toujours négative?
Elisa Gaona Obrist: Non, la peur est une émotion normale, universelle, et même utile. En fait, chez les enfants, elle fait partie du développement. C'est une manière d'apprendre à se protéger, à comprendre le monde. Par exemple, le petit peut avoir peur de bruits forts, du noir, des monstres. Ces peurs sont souvent temporaires et correspondent à des étapes de développement. Mais aussi, les peurs sont une forme de communication chez les enfants. Par exemple, s'il y a eu un changement, une perte, un déménagement, même commencer l'école, l'enfant peut avoir des peurs qu'on ne comprend pas, mais elles sont une forme de langage. Ces peurs sont souvent temporaires, mais il faut savoir que reconnaître l'émotion, être là, c'est important pour aider l'enfant, et surtout, d'être disponible. Comme ça, l'enfant peut chercher, se réconforter, et savoir que nous sommes toujours là pour lui.
Vous le dites, la peur fait partie du développement de l’enfant. Est-ce que ça signifie qu’on doit, dans certaines situations, les laisser avoir peur?
Bien sûr, mais il faut aussi les rassurer en leur disant que nous sommes là, à côté d'eux. Parce que finalement, la peur peut être bénéfique quand elle permet à l'enfant d'apprendre à gérer ses émotions. Se sentir effrayé, et puis se calmer avec l'aide d'un adulte, c'est une expérience précieuse, pour autant qu’elle soit toujours accompagnée.
Halloween arrive. C’est un moment de l’année où on s’amuse à se faire peur. Comment accompagner les enfants pour cette fête?
Quand un enfant a très peur d'un déguisement, ou de quelque chose qu'il voit à Halloween, la première chose, c'est de reconnaître son émotion. Il ne faut pas dire "Oh, mais ce n'est rien!" ou "Tu es ridicule d'avoir peur!" parce que, pour lui, la peur est bien réelle. On peut simplement dire: "Je vois que ça te fait peur. Tu es en sécurité. Je suis là avec toi." Et ensuite, il faut ramener du calme et du sens. On peut expliquer: "Ce n'est pas un vrai monstre. C'est une personne déguisée comme dans un jeu." Si c'est possible, montrer les costumes vides, sans personne, ou même participer à démasquer ensemble le déguisement pour que l'enfant comprenne. Et ce qui est important aussi, c'est de lui redonner du contrôle, de le laisser s'éloigner s'il veut, de le laisser choisir quand regarder ou revenir, parce que la peur passe beaucoup plus vite quand l'enfant se sent entendu et respecté.
Et peut-on l’aider après la confrontation avec la situation effrayante?
Les choses les plus jolies avec les enfants, c'est qu'on peut les aider même après. Parce que, bien sûr, on ne va pas être toujours à côté de nos enfants. Mais, par exemple, si votre enfant après être allé chez un copain vous dit "j'ai eu très peur". On peut, à ce moment, discuter avec lui, reconnaître l'émotion, et peut-être, d'une façon ludique, gérer cette émotion. Comme en dessinant ce qui lui a fait peur, ou regarder encore une fois la partie du film qui l’a effrayé pour justement qu'il se sente accompagné et pour l’aider à comprendre. Donc, on peut toujours agir après avec nos enfants.
Et que faire si la peur ne passe pas?
Si la peur devient néfaste, si elle est trop intense, trop fréquente, ou si elle dure beaucoup plus que normal, ce qu'il faut faire, c'est surtout comprendre ce qui se cache derrière. C'est important de ne pas minimiser, parce que dire à un enfant "n'aie pas peur", ça ne la fera pas partir. Il faut chercher ce qui lui fait vraiment peur. Ce n’est pas toujours simple de reconnaître nos émotions, nos agissements. C’est donc très important de regarder ce qu’il y a autour de lui, une situation différente peut-être. Parfois, quand un parent est malade, l'enfant a peur de l'obscurité, mais ce n’est pas réellement du noir qu’il a peur, mais plutôt de perdre ses parents, que son papa, sa maman meurent ou disparaissent d'une façon ou d'une autre dans l'obscurité. Donc, parler avec notre enfant, c'est important, parce que finalement, il a besoin d'être rassuré, mais aussi, il a le droit de savoir la vérité, d'une façon expliquée pour lui, bien sûr!
Et j’imagine que la peur évolue avec l’âge.
Oui, et on va toujours avoir peur. Parce qu'en fait, on va toujours avoir des opportunités de renforcer la confiance et la sécurité intérieure. Donc, peut-être qu'on ne va pas avoir peur de l'obscurité, mais peut-être qu'on va avoir peur d'être seul, d'une façon différente. Mais ce qu'il faut toujours trouver derrière la peur, c'est l'enseignement. Qu'est-ce que cette peur veut nous montrer, même comme adulte?


