Claude Lelouch: "J'ai recherché la liberté toute ma vie"
Claude Lelouch fête ses 60 ans de carrière et ses 50 films. Rencontre avec le cinéaste français.
Radio Fribourg: Claude Lelouch, le 2 juin au Théâtre du Léman à Genève, un ciné-concert symphonique est organisé pour fêter vos 60 ans de carrière, vos 50 films, et la sortie de votre prochain film "Finalement", le 13 novembre. Si on résume, on sera comme au cinéma, face à un écran géant, on va se replonger dans les scènes les plus cultes de vos films. Le tout accompagné d'un orchestre symphonique. Ça promet d'être un grand moment, beaucoup d'émotions, puisqu'il y aura 60 musiciens sur scène.
Claude Lelouch: Oui, on a eu la chance de faire ça à Paris, à l'occasion de mon 85e anniversaire. C'était un moment de folie totale. Il y avait 3'800 personnes dans la salle et ils étaient tellement heureux, ils ne voulaient pas quitter la salle… Du délire. On s'est rendu compte que ce montage de mes 50 films, des scènes ancrées dans la mémoire des uns et des autres avaient une vertu formidable pour les spectateurs. J'étais un peu, qu'on le veuille ou non, le témoin de mon temps. Le reporter des hommes et des femmes que j'ai eu la chance de croiser. Dans mes films, il n'y a pas de super-héros ni de super-salauds, il y a des personnes qui ont les qualités de leurs défauts. J'ai essayé de filmer des gens que j'avais envie d'avoir comme amis ou de prendre dans mes bras. Ces hommes et ces femmes ont laissé des traces très représentatives de ces 60 ans de cinéma.
La musique a toujours été très importante dans votre vie et dans vos films. D’ailleurs, vous le dites: elle est votre meilleur médicament. Qu'est-ce que vous écoutez comme musique quand vous n'allez pas bien?
C’est vrai. Quand je ne vais pas bien, la première chose que je prends, c'est un peu de musique. J’écoute du jazz, évidemment, parce que ça swingue, et qu'il est joyeux, même quand il est triste. Mais j'adore les variétés, j'adore le classique. J'aime toutes les formes de musique. C'est vraiment la chose qui nous fait le plus de bien.
Ce ciné-concert symphonique, vous l'avez fait, on l'a dit, pour vos 85 ans. Est-ce que c'était aussi une manière de rendre hommage à certaines personnes que vous avez croisées sur votre chemin?
Tout à fait ! Et ça me fait plaisir que vous me posiez cette question. J'avais envie de rendre hommage à Francis Lai, Michel Legrand, Claude Bolling... À tous les compositeurs qui m'ont accompagné. Et puis surtout un hommage à tous ceux qui ne sont plus là. De Trintignant à Belmondo, en passant par Lino Ventura, Bernard Tapie. La liste est impressionnante, et c'était aussi une façon de les rendre immortels.
Il y a ce ciné-concert symphonique, mais on va aussi toucher quelques mots sur votre prochain film — le 51e du coup — qu'on va pouvoir retrouver au cinéma cet automne. "Finalement" parle de la vie et de tous ces sujets qui peuvent être autant positifs que négatifs : la santé, l'amour, l'amitié, la famille. Vous dites de ce film que c'est celui que vous avez rêvé de faire toute votre vie?
Chaque film qu'on fait est le résultat des autres. Chaque film a inventé celui d'après. J'ai la chance de pouvoir me servir de 60 ans d'expérience. Mes observations sont un peu plus pointues et de plus en plus tolérantes. Plus on se rapproche de la ligne d'arrivée, plus on a envie de se réconcilier avec le monde.
Est-ce que ça aurait pu être votre propre histoire?
Complètement. J'ai recherché la liberté toute ma vie, dans mon métier et dans ma vie privée. C'est elle qui nous donne des ailes, nous fait prendre des risques. Cette liberté qui est de plus en plus rare, de plus en plus difficile, parce que la vie nous la coupe. La famille, les enfants, les affaires, tout ça ne va pas avec la liberté. C'est un film très joyeux, très gai, sur un monde qui n’est pas tant que ça.
Claude Lelouch, je me permets de vous emmener dans un petit instant crush. J'ai trouvé cinq musiques que vous affectionnez tout particulièrement et qui ont été importantes dans votre vie. Si je vous dis "Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux" de Ray Ventura, "Singing in the Rain" de Gene Kelly, "In the Mood" de Glenn Miller, "Le Boléro" de Maurice Ravel et "L'idole des Jeunes" de Johnny Hallyday. Votre coup de cœur parmi ces cinq musiques, si vous deviez en choisir une?
Ce sont cinq coups de cœur terribles, terribles, terribles... Je crois que "Le Boléro", c'est la musique du cœur. Vous pouvez la mettre sur n'importe quel film, ça marche. C'est la musique de film idéale alors qu'elle n'a pas été faite pour ça. Elle nous oblige à vivre, à avancer. Elle est dramatique et positive en même temps. Je pense que c'est la musique qui explique le mieux la vie. Et puis "Singing in the Rain", c'est le bonheur total. Incontournable aussi. Je dis qu'il ne faut pas écouter la météo, il faut chanter sous la pluie.
Cette musique a un rôle primordial dans votre vie et dans vos films. Vous avez collaboré avec beaucoup de monde. Je pense notamment à Francis Lai: une histoire d'amour qui a duré 50 ans entre vous. Vous avez fait 35 films ensemble. Votre coup de cœur, il serait pour quel film, que ce soit au niveau de la collaboration ou de la musique en elle-même?
J'ai envie de parler de "Un homme et une femme". Ce serait déplacé de ma part de ne pas citer ce film et cette chanson qui a fait le tour du monde plusieurs fois, et qui continue à faire le tour du monde. Elle a même été reprise pour des pubs. Elle nous a permis de rêver et de continuer le rêve après. Cette musique nous a donné les clés de la liberté. Grâce à elle, on a pu faire plein d'autres tubes.
Ecoutez l'interview complète de Claude Lelouch: