Julien Clerc: “Chanter, c’est aussi une façon de vivre“

À bientôt 60 ans de carrière, Julien Clerc est de retour avec un 28e album très intime, “Une Vie”, réalisé par Benjamin Biolay. Rencontre.

Julien Clerc est de retour avec un 28ème album "Une Vie", qu'il présentera notamment à la Salle Métropole de Lausanne, le 20 mars 2026. © Anton Corbijn

Radio Fr: Le titre “Une Vie”, Julien Clerc, il a vraiment toute sa signification, parce que dans cet album, vous chantez des moments d'une vie, des sujets de société. On parle de maladie, de la mort d'un proche ou encore de l'amour paternel. Mais c'est avant tout un album de chansons d'amour, mais au sens large du terme?

Julien Clerc: Exactement. C'est ma route, mais tout le monde peut aussi se retrouver là-dedans. Et puis, c'est un titre qui ira aussi très bien avec la tournée. Je me disais que si c'était possible qu'on ait le même titre, ça serait bien, parce qu'évidemment, ça sera les chansons d'une vie jusqu'à maintenant. 

Sur ce nouvel album, vous avez collaboré, entre autres, avec Benjamin Biolay, qui a réalisé l'album, mais qui a aussi écrit 3 textes. Et on retrouve également des textes de Carla Bruni, Serge Lama ou encore Didier Barbelivien. Qu'est ce qui vous séduit chez eux? Parce que ce n'est pas la première fois que vous faites appel à eux?

D'abord, parce que depuis toujours, dans les albums, j'ai travaillé avant tout avec ceux avec qui je travaillais avant, jusqu'à ce que malheureusement, pour certains d'entre eux, ils disparaissent. Et j'ouvre la porte aussi à des petits nouveaux. Voilà comment je fais. Parce que je crois que le renouvellement des plumes, de gens, d'auteurs de qualité avec des styles particuliers, m'a permis, je crois, de me renouveler musicalement.

Vous parliez de petits nouveaux. Effectivement, il y avait Julien Doré en 2011 sur l'album “Fou peut-être”. Il y a aussi eu Vianney en 2017 sur l'album “À nos amours”. Et le petit nouveau aujourd'hui, c'est Gaëtan Roussel, sur le titre "L'avenir". Vous lui avez envoyé une musique et il a posé ses textes?

Oui, c'est ça. Et quand j'ai lu le texte, je me suis dit, on dirait un petit peu du Louise Attaque. Et c'est tout à fait ce que je recherchais. En fait, ce qui fait la liaison entre tous ces textes et ces univers différents, je pense que c'est ma musique et ma voix. Mais finalement, j'ai travaillé avec énormément d'auteurs. C'est moi qui les appelle à chaque fois, parce que j'admire leur travail, bien sûr. Évidemment, je connaissais le travail de Gaëtan et je trouve que c'est un auteur qui compte et qu'il a une façon bien à lui, avec une patte d'écriture et une façon d'aborder les sujets, parce que finalement, c'est ça qui est important.

Paul Ecole, autre grand parolier que l'on retrouve sur cet album, et à qui on doit 3 textes, des 11 titres. Le premier, c'est “Les Parvis”, qui est d'ailleurs le premier single de ce nouvel album. C'est un texte qui a été inspiré par Stéphane Voirain, le mari d'Agnès Lassalle, cette professeure d'espagnol qui a été poignardée en 2023 par un élève en France. Et il y avait cette vidéo de lui tellement touchante en train de danser sur le parvis de l'église, devant le cercueil de sa femme. Mais vous, vous ne l'aviez pas vue cette vidéo?

En effet, je ne l'avais pas vue. J'ai envoyé ma mélodie à Paul Ecole, et il m'a renvoyé le texte avec la vidéo. Et il m'a dit “voilà ce qui m'a inspiré ce texte”. Et je n'avais jamais vu la vidéo, et comme tout le monde j’ai été bouleversé. Je remercie encore Paul d'avoir eu cette impulsion-là, d'écrire un texte là-dessus. Évidemment, il a fallu que j'appelle par correction Stéphane Voirain. Et en fait, on a eu une conversation magnifique, c'est tellement des choses magiques que la vie vous offre de temps en temps. C'est une conversation avec quelqu'un qu'on ne connaît pas et il était à la fois touché, mais en même temps ... Enfin c'était formidable, parce que moi, j'y allais quand même dans mes petits souliers. J'aurais pu tomber sur quelqu'un qui me disait "de quoi vous vous mêlez". Et c’était tout le contraire. Il m'a fait plaisir, il m'a dit “Surtout, allez-y à fond, il faut que tout ça, soit de la joie et du bonheur”. Donc ça m'a réchauffé le cœur. (sourire)

Autre titre signé Paul Ecole, c'est “Saint-Nazaire”, un tendre et bouleversant hommage à votre demi-frère Gérard Leclerc, décédé en 2023 dans un accident d'avion alors qu'il venait vous retrouver pour vous voir en concert. Vous êtes quand même monté sur scène quand d'autres auraient annulé, et ce que l’on peut comprendre!  Est-ce que j'ose vous demander où est-ce que vous avez trouvé cette force pour monter sur scène?

Je me suis toujours dit ça sans savoir malheureusement que ça arriverait un jour. Mais s'il devait y avoir un moment grave dans ma vie quand je chante, que je me devrais d'y aller, de chanter, c'est une promesse que je me suis toujours faite et donc c'est arrivé. Mais d'abord parce que ça fait partie de notre vie à nous. C'est le fameux truc des Américains, vous connaissez “The show must go on”. Mais ce n'est pas simplement ça, c'est parce que notre vie à nous, ça n'est pas qu'un métier en fait. Chanter c'est aussi une façon de vivre, donc ça se vérifie dans des moments comme ça. Et je me suis souvenu que j’avais aussi chanté le jour des obsèques de ma maman. Alors je me rends compte que finalement, ça m'est arrivé une ou deux fois dans ma vie. À chaque fois, je dis un mot en disant pourquoi je suis là et pourquoi je vais chanter, mais que je vais quand même chanter. Et j'ajoute même de temps en temps que si on me voit sourire parce que la chanson le demande, eh bien il faut quand même chanter. Finalement, c'est égoïste, parce que notre métier nous permet de traverser la vie dans toutes ses facettes, même les plus graves.

Julien Clerc, je termine toujours ces interviews avec un petit instant “Crush”, un petit instant coup de cœur. Avec 28 albums studios, je ne vous cache pas que ça a été assez compliqué de sélectionner trois titres, mais j'ai pris “Ma préférence”, “Femmes, je vous aime” et “Fais-moi une place”, qui sont la base de Julien Clerc …

Alors, immédiatement, ça me rappelle la façon dont nous les avons écrites. Surtout "Ma préférence", parce que c'était une période où Jean-Loup Dabadie passait ses vacances en famille dans le sud-ouest de la France. Nous sommes allés le visiter, et il y avait un piano, Dieu merci, dans la maison qu'il louait. Et moi, généralement, quand il y a un piano et que je suis en période de composition, je vais vers ce piano et je cherche des choses. Et j'ai trouvé “Ma préférence” là, dans cette maison. Et à l'époque, il y avait déjà plusieurs auteurs sur les albums. Et donc, Jean-Loup m'a dit, “Je t'en supplie, celle-là, donne là moi quand tu l'auras finie”. Et il m'a appelé un jour et il m'a dit, “Écoute, j'ai deux idées: La première, c'est une chanson avec des termes de pierre, comme de pierre précieuse. Et l'autre idée, j'ai rien, mais j'ai qu'un mot, c'est “Préférence”. Je lui ai dit, écoute, ne va pas sur les pierres, mais va sur la préférence. (rires)

Et pour “Femme, je vous aime”, je lui ai envoyé la musique. À l'époque, je lui donnais les chansons, ma voix, le piano, sur des petites mini-cassettes. C'est là-dessus qu'on travaillait. C'était d'ailleurs très pratique pour les auteurs, disait Jean-Loup, parce qu'il pouvait rappuyer sur "RW", et il pouvait remonter indéfiniment, juste à l'endroit qu'il voulait pour écrire, ce qui était très bien pour les auteurs. Donc, il a fait ça. Et puis ensuite, il m'a renvoyé la chanson et je l'ai jouée à Miou Miou, qui partageait ma vie à l'époque. Je lui ai joué “Femme, je vous aime” et à la fin, je l'ai regardée et elle m'a dit “Femme, je t'aime”. Elle n'était pas très contente, un peu jalouse! (rires)

Et pour “Fais-moi une place”, Françoise Hardy était venue à la maison et je lui avais joué ce que j'avais en magasin, mais rien ne lui plaisait. Et Françoise, elle avait un truc, c'est qu'elle n'avait pas de filtre. Et quand elle n'aimait pas, elle vous le disait, souvent avec des mots assez durs. Et finalement je lui ai joué la mélodie de “Fais-moi une place” que je venais de terminer. Elle m'a dit “Ça, je prends”. Je l'ai enregistrée, elle est partie chez elle, et je ne sais pas comment elle a fait pour me renvoyer la cassette. Elle avait réussi à mettre sa voix dessus, avec les mots. Elle m'a dit, “Je t'ai mis les mots avec ma voix, et je veux que tu ne changes rien, ni à la mélodie, ni rien.” Ce qui était bien vu. Parce que c'est vrai que quand je travaille une mélodie, ça peut évoluer, je peux changer des choses. Et là, elle avait bien senti le truc. Elle m'a dit “Ne change rien et je ne réécrirai pas. C'est apprendre à laisser, en gros.” Elle avait raison. (sourire)

Julien Clerc à retrouver en concert à la Salle Métropole de Lausanne, le 20 mars 2026.

Retrouvez l’interview complète de Julien Clerc en vidéo:

RadioFr. - Virginie Pellet / Frapp - Laura Kolly
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