La danse comme acte de résistance
Une dizaine de femmes participe chaque semaine au Fil d'Ariane à Villars-sur-Glâne, un cours qui leur permet de révéler leur féminité.

Le floorwork (littéralement "travail au sol" en français) est ouvert tout le monde. "Pour participer à ce cours, il faut juste être humain. Je n'ai encore jamais donné de cours à un chien", rigole Ariane Batista qui accepte les femmes et les hommes prêts à travailler leur sensualité dans la salle de l'école Evydanse (Villars-sur-Glâne) le mardi soir. Pendant un peu plus d'une heure, la Fribourgeoise, munie de genouillères et de talons hauts, partage son savoir avec bienveillance. Au sol, le plus souvent sur les genoux, elle enchaîne les mouvements sous le regard de ses élèves qui manquent parfois de confiance en elles.
Et justement, ce qu'Ariane désire plus que tout, c'est de permettre à ces femmes de se libérer. Elle leur demande de se lâcher et d'oublier le regard que la société porte sur elles. "On t'a mis dans une prison parce que tu es une femme. On te dit que ton corps est trop maigre ou trop gros, qu'il est trop clair ou trop foncé. Tu n'es jamais assez bien. Ce que j'aimerais faire comprendre en faisant ce cours, c'est que la société n'a rien à dire sur ton physique", explique la jeune femme. Le message passe. Evelyne, Sara, Amélia, Catalina, Sofia et Julie sont présentes chaque semaine pour danser. Toutes ont connu des débuts difficiles. Il a fallu lutter contre la gêne. Petit à petit, les participantes se sont affirmées. Face au miroir de la salle, elles n'hésitent pas à séduire leur reflet, rendant grâce à leur corps qui a parfois souffert.
"À la puberté, mes amies ont évolué: elles ont commencé à avoir plus de formes. Moi, je suis restée très fine. Du coup, je n'arrêtais pas de me demander ce qui n'allait pas chez moi", avoue Julie. Des incertitudes, Sofia en a aussi connues: "J'aurais eu besoin de ce cours plus jeune. Je me serais plus respectée".
La danse comme thérapie
Le floorwork, c'est aussi un moyen d'être féministe. "Une femme qui utilise son corps pour faire ce dont elle a envie, c'est un putain d'acte de résistance", résume Ariane. Un acte de résistance qui est d'autant plus nécessaire à l'heure où les États-Unis sont prêts à annuler le droit à l'avortement. Car les femmes qui participent au cours ne font pas que danser. Elles débattent de l'actualité et écoutent Ariane qui prépare pour certaines séances des discours qui détruisent les mécanismes d'une société patriarcale.
Il est aussi question de rendre hommage aux travailleurs et travailleuses du sexe. Car les strip-teaseurs et les strip-teaseuses sont à la base de la pole dance, une discipline qui utilise de nombreux enchaînements de floorwork. "Les femmes qui ont décidé de vendre leur corps sont à la base du féminisme. Elles font exactement ce qu'elles veulent de leur corps. Si elles veulent le vendre, elles le vendent".
Ariane constate aussi l'évolution fulgurante de ses élèves. "Tout à coup, ces femmes se disent: j'ai des vergetures et alors qu'est-ce que ça fait? Ce téton, pourquoi est-ce qu'il dérange autant? C'est quelque chose de magique de les voir se transformer". La Fribourgeoise ne s'en cache pas. Elle aussi a souffert: "j'ai été violée quand j'avais sept ans et ensuite, j'ai subi des abus sexuels. J'aimerais sauver le monde, car je ne veux pas que d'autres vivent ce que j'ai vécu. Peu importe le temps que ça me prendra, je peux aider une personne à la fois".
Pour Ariane, la danse est devenue une thérapie. C'est pour cette raison qu'elle a appelé son cours le Fil d'Ariane. Souvenez-vous: d'après la mythologie grecque, la fille du Roi de Crète aide Thésée à s'échapper du labyrinthe du Minotaure. Elle lui donne un fil qui lui permettra de trouver son chemin. "Le Fil d'Ariane te permet de te retrouver et de sortir d'un dédale. Certains retrouvent leur sexualité, d'autres leur confiance", image-t-elle.
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