Des solutions technologiques pour sauver le climat?

Cette question délicate fait débat à l'heure où le réchauffement climatique s'accélère. L'UniFr a fait le point lors d'un café scientifique.

La société suisse Climeworks construit des usines capables d’aspirer le CO2 dans l’air et de le pétrifier dans la roche © KEYSTONE

Comment faire pour retirer le dioxyde de carbone qui stagne sur nos têtes? C'est la grande interrogation qui agite actuellement les scientifiques spécialisés dans le changement climatique. Dans le cadre d'une semaine mondiale dédiée à ce sujet, l'Université de Fribourg a organisé un café scientifique autour des différentes possibilités d'interventions technologiques visant à modifier le climat à large échelle. La palette est large, les conséquences encore peu étudiées et les questions éthiques suscitent parfois la polémique.

RadioFr. s'est associée à cette semaine climatique. Elle a questionné deux expert.e.s en la matière: Marie-Valentine Florin, directrice générale de l'International Risk Governance Center (IRGC) à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et Ivo Wallimann-Helmer, directeur et professeur à l'Environmental Sciences and Humanities Institute de l'Université de Fribourg.

Agir en amont ne va pas suffire

En tant que directrice de l'IRGC à Lausanne, le rôle de Marie-Valentine Florin est de soutenir les politiques dans leurs prises de décisions sur des sujets complexes, tels que le changement climatique.

Elle rappelle que nous émettons "aujourd'hui dans le monde à peu près 40 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Or, les écosystèmes ne peuvent en absorber que dix milliards, soit un quart seulement de ce qui est rejeté dans l'atmosphère". Ainsi, persister à ne vouloir réduire les émissions qu'en amont ne sera pas suffisant. Il faudra trouver une solution pour retirer le CO2 qui stagne dans l'air.

La stratégie qui fait consensus partout dans le monde actuellement, c’est la reforestation de certaines régions, en choisissant notamment des espèces qui absorbent bien le carbone pour leur croissance. Mais, plusieurs scientifiques estiment qu'il faudrait replanter 40% de la surface de la planète pour parvenir à retirer tout le carbone de l'atmosphère au moyen de cette technique naturelle. Impossible, selon Marie-Valentine Florin.

Technologies prometteuses à l'étude

Des scientifiques expérimentent actuellement l'efficacité d'un procédé qui permettrait d'absorber l'air au moyen de grands ventilateurs pour le traiter ensuite chimiquement afin d'en retirer le dioxyde de carbone. Ce dernier est ensuite mélangé avec de l'eau et enterré très profondément sous la terre où il se transformera en roche dans un délai de deux ans, sans risque de réversibilité. Cette méthode est actuellement testée à grande échelle en Islande par la société Climeworks, basée à Zürich.

Une autre approche hybride, combinant la biomasse et la technologie, est également à l'étude. Le principe consiste à brûler du bois pour produire de l'électricité ou de la chaleur, sans émettre de CO2 dans l'atmosphère, c'est-à-dire en le récupérant avant qu'il ne s'échappe dans l'air.

Spécialiste des questions éthiques, Ivo Wallimann-Helmer, de l'Université de Fribourg, avertit que si nous ne changeons rien à nos habitudes et comportements actuels, les inégalités entre les régions du monde vont se creuser. Or, les pays qui souffrent le plus aujourd'hui sont ceux qui ont le moins contribué à ces bouleversements climatiques. Une injustice que les pays industriels de l'hémisphère nord doivent aujourd'hui assumer.

Marie-Valentine Florin espère beaucoup de la conférence sur le changement climatique qui se tiendra au mois de novembre à Glasgow: "J'espère vraiment que la COP26 ouvre la porte à ces nouvelles approches. Pour l'instant, beaucoup de pays privilégient la réduction des gaz à effet de serre et tant qu'on ne fait que ça, il n'y a pas vraiment de volonté de développer des approches complémentaires, qui certes coûtent très cher."

RadioFr. - Mike Mevs / Sara Nyikus
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