L'assurance maladie obligatoire, le projet d'un siècle

L’introduction d'une assurance-maladie obligatoire est à l’agenda politique depuis 1900. Après plusieurs tentatives infructueuses, ce vieux rêve se concrétise dans la révision de la loi sur l’assurance-maladie de 1994.

Les premières caisses-maladie naissent dans la seconde moitié du XIXe siècle, durant la période d'industrialisation. Entrepreneurs, associations professionnelles ou autorités locales fondent des petites caisses de secours mutuels.

Leur champ d'activité est essentiellement local ou régional et n'offre qu'une protection minimale contre les risques de maladie, d'invalidité et de décès. Moins de 5% de la population totale est assurée, indique le site Internet de l'histoire de la sécurité sociale en Suisse.

A la fin du siècle, un nombre croissant de caisses se spécialisent dans le domaine de l’assurance-maladie. C’est la naissance des caisses-maladie dans leur forme actuelle.

Au tournant du siècle, des caisses se regroupent pour former trois concordats nationaux, un par région linguistique. Les trois fédérations fusionnent en 1985 pour former l’organisation faîtière des caisses-maladie, qui devient Santésuisse en 2002.

Premières tentatives et premiers échecs

Les premiers essais pour introduire une assurance-maladie obligatoire sont un échec. La première mouture de la loi sur l'assurance-maladie et accidents (LAMA) est rejetée en votation populaire en 1900.

En 1912, une version révisée se contente d’accorder des subventions fédérales aux cantons et aux communes ayant instauré une assurance-maladie obligatoire. Cette décision a toutefois une influence décisive sur l’évolution des caisses-maladie. Jusqu'en 1920, la moitié des cantons adoptent des lois sur l’assurance obligatoire. Et en 1935, près de la moitié de la population est assurée.

En 1941, le Conseil fédéral rejette l'idée d'un système national de sécurité sociale. Ce système aurait inclus toutes les assurances dont la réalisation se fait encore attendre: perte de gain, chômage, maladie, invalidité, vieillesse et survivants.

Entre 1940 et 1980, les caisses-maladie se renforcent et leur nombre est divisé par deux. Le nombre d'assurés passe d’environ deux millions à près de sept millions, reflétant l'élévation du niveau de vie dans l’après-guerre qui favorise la propagation du principe de l’assurance.

Coûts en hausse

Mais cela entraîne une augmentation continue des coûts de la santé. Les autorités locales interviennent pour limiter le montant des primes.

Pour les caisses-maladie, cela implique qu'elles ne peuvent plus adapter les primes à l'évolution des dépenses. Elles affichent des déficits structurels. Les subventions fédérales sont considérablement revues à la hausse lors de la révision partielle de la LAMA en 1964. Dans ces années, 80% de la population est déjà affiliée à une caisse.

A la fin des années 1960, le projet d'une assurance-maladie obligatoire revient à l’ordre du jour après le lancement d’une initiative populaire par le PS. Le texte et son contre-projet échouent devant le peuple en 1974.

Face à l'augmentation continue des coûts, les acteurs du système de santé tendent à se renvoyer la balle. Pour des raisons d’économie, la Confédération plafonne ses subventions aux caisses-maladie, lesquelles relèvent substantiellement leurs primes dans les années 1980 et s'attirent les critiques de plus en plus vives de l'opinion publique.

Une assurance obligatoire

Après une tentative avortée en 1987, le Conseil fédéral met en chantier une réforme profonde de l'assurance-maladie, justifiée par l'augmentation des coûts de la santé et des primes, qui progressent plus vite que le produit intérieur brut.

Entre 1985 et 1990 en effet, les coûts de la santé par personne augmentent de 42%. Quant aux primes, elles décuplent en moyenne entre 1965 et 1990, une hausse bien supérieure à celle du revenu des ménages.

Deux initiatives, dont l'une du PS, qui demandait déjà des primes variant en fonction du revenu, sont rejetées en votation en 1994, alors que la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) est adoptée. Cela scelle l'instauration d'un régime obligatoire à l'échelle fédérale. Le projet avait été porté par la conseillère fédérale socialiste Ruth Dreifuss.

La LAMal rétablit la solidarité entre jeunes et vieux, hommes et femmes, malades et bien-portants, mais aussi à créer les bases légales pour plusieurs instruments de maîtrise des coûts dans l’assurance. Elle permet de changer de caisse. Et toutes les caisses doivent proposer des prestations identiques. Le système de réduction individuelle des primes, dont peuvent bénéficier les personnes et les familles de condition modeste, voit le jour.

ATS
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