Laurence Kubski, remettre les animaux au centre de l'art

Depuis le 22 juin, le Musée gruérien présente deux expositions de la photographe originaire de Siviriez. Rencontre.

Laurence Kubski devant l'exposition Crickets. © Frapp

La pratique photographique de Laurence Kubski est centrée autour des relations qui lient les hommes et les animaux dans différentes cultures. Une façon pour l'artiste de nous faire réfléchir sur la nature de ces liens et leur impact parfois dévastateur sur l'environnement.

La première exposition, Crickets, s'intéresse à une tradition millénaire chinoise qui consiste à capturer et à élever des grillons pour les faire chanter ou combattre. La Seconde, Big Fish, remonte la chaîne du commerce des poissons d'aquarium, de leur capture dans l'océan jusqu'au bocal.

Chanteurs et combattants en cage

Dans la tradition chinoise, les grillons symbolisent le bonheur, la longévité et apportent l'inspiration aux artistes, aux poètes et aux écrivains. C'est pourquoi il est courant d'offrir un grillon dans une cage en bois en guise de porte-bonheur. Qui plus est, lorsque deux inconnus se promènent avec leurs grillons sous le manteau, le bruit qu'ils produisent appelle à la rencontre et à la discussion.

Pour ce qui est des combats, il faut savoir que le grillon est un animal très territorial qui défend son habitat contre quiconque le menace. Dans des petites arènes, les organisateurs provoquent une confrontation entre deux individus. L’issue peut être dramatique: arrachage d’un membre, morsures à la tête ou à l’abdomen, mais aussi l'abandon.

Pour réaliser ce travail, Laurence Kubski a passé une année à faire des recherches avant de s'envoler pour la Chine où elle a passé des semaines dans les marchés aux grillons et à suivre les chasseurs dans les champs de maïs. Une expérience durant laquelle elle s'est même retrouvée sur le chemin de la mafia chinoise. "Pendant la révolution culturelle, les combats de grillons ont été interdits. Il y a 40 ans, la pratique a été réintroduite, mais sans les paris. Et, dès le moment où il y a un interdit, la mafia s'en mêle!"

Crickets © Laurence Kubski

Un individu sur 24

Avec plus de 3 millions d'individus en aquarium, le poisson est le troisième animal de compagnie le plus apprécié en Suisse. Si les spécimens d'eau douce proviennent pour la plupart d'élevages, ceux issus de la mer et des océans sont généralement capturés dans leur milieu naturel.

C'est en Indonésie, le plus gros exportateur de poissons d'aquarium, que Laurence Kubski réalise l'essentiel de son travail. Là-bas, elle suit des pêcheurs et se rend compte que le regard qu'ils portent sur ces animaux n'a pas grand-chose à voir avec celui des aquariophiles. "Quand ils rentraient sur la terre ferme pour trier les poissons, il n'était pas rare que les poules viennent picorer plusieurs poissons, et ils laissaient faire. Entre le stress au moment de leur capture et le transport, on estime qu'un poisson sur 24 arrive vivant à destination." C'est grâce à ce projet que Laurence Kubski remportera, avec deux autres photographes, un Swiss Design Award en 2023.

Big Fish © Laurence Kubski

Documentaire et mises en scène

Même si la démarche de Laurence Kubski possède une base très documentaire, entre ses recherches en amont et son envie de se confronter au terrain, la réalisation visuelle est souvent très méticuleusement préparée. D'ordinaire, la photographe travaille en studio, au flash, conviant les protagonistes rencontrés lors de ses investigations.

Pari risqué lorsque l'on travaille avec des animaux, surtout s'ils sont encore vivants. "Lorsque je travaillais sur Crickets, je me voyais déjà courir après les grillons dans le minuscule studio que j'occupais. Mais, ils sont beaucoup plus calmes que ce que j'avais imaginé. Quand on fait ce travail, on doit composer avec des comportements propres à certaines espèces, à certains individus." Pour celles et ceux qui ne s'y sont pas encore rendus, les deux expositions sont visibles gratuitement jusqu'au 17 septembre.

Frapp - Dimitri Faravel
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