L'avenir des fonds marins se joue à Châtel-Saint-Denis
Donald Trump, des énormes navires et des scientifiques en alerte: une entreprise veveysanne se retrouve au cœur d'un enjeu géopolitique mondial.

Récolter des métaux, comme du nickel ou du cobalt, au fond des océans, c'est l'objectif d'une industrie naissante, mais controversée, celle de l'exploitation minière des fonds marins, aussi appelé "deep sea mining". L'entreprise All Seas, basée en Veveyse, pourrait y jouer un rôle prépondérant.
Pour l'heure, près de 170 pays du monde entier sont en train de négocier les règles pour encadrer cette nouvelle industrie. Elle présente de nombreux risques sur les fonds marins, les écosystèmes, les poissons, la pêche ou encore la stabilité du climat.
Les scientifiques et une trentaine d'États, dont la Suisse, soutiennent un moratoire. Anne-Sophie Roux, une chercheuse et activiste pour l'océan, qui a notamment conseillé le gouvernement français, nous explique pourquoi.
On a l'habitude de dire qu'on connaît mieux la surface de la lune que le fond des océans. Les scientifiques nous disent qu'il ne faut pas faire démarrer cette nouvelle industrie tant qu'on n'a pas suffisamment de données sur les grands fonds marins et tant qu'on ne peut pas mesurer l'ampleur de ces impacts, qui pourraient être irréversibles
C'était sans compter Donald Trump. Approché par l'entreprise canadienne, The Metals Company, le président américain a signé un décret à la fin avril. Il autorise l'exploitation minière des fonds marins aux États-Unis, mais aussi dans les eaux internationales, à savoir près de la moitié de la surface des océans.
Une décision dénoncée par l'Autorité internationale des fonds marins et plusieurs autres pays, comme la Chine.
De la Maison Blanche à Châtel-Saint-Denis
Afin d'exploiter les fonds marins, atteignant plusieurs milliers de mètres, l'entreprise The Metals Company a besoin de bateaux et de technologies que très peu d'entreprises proposent dans le monde.
Et l'une d'elles, All Seas, est basée dans le canton de Fribourg, à Châtel-Saint-Denis. Elle y est installée depuis 1985 et elle y emploie aujourd'hui une cinquantaine de salariés, sur les 3'500 employés que compte le groupe dans le monde entier.
Cette discrète entreprise, détenue par la richissime famille Heerema, originaire des Pays-Bas, a d'ailleurs pour projet de se développer à Châtel-Saint-Denis. La commune a accepté en décembre de lui vendre une parcelle pour près de 1.5 million de francs.
Mais revenons-en à nos océans: l'espoir des activistes repose donc aujourd'hui sur All Seas, afin qu'elle ne fournisse pas la technologie nécessaire à The Metals Company, mais aussi pour qu'elle se retire de l'actionnariat de cette firme canadienne, explique Anne-Sophie Roux. "Une grande partie des parts de The Metals Company appartiennent à All Seas. Concrètement, elle se retrouverait directement impliquée dans une violation du droit international, voire la rendrait possible. Car sans son bateau, sans ses technologies et sans son financement, The Metals Company ne pourrait pas miner."
Espoir aussi sur la Suisse et son monde politique. Le conseiller national vert vaudois, Raphaël Mahaim, va d'ailleurs interpeller cette semaine le Conseil fédéral sur le sujet.
Contactée, l'entreprise All Seas n'a pas répondu à nos appels pour le moment.