Le Grand Conseil fribourgeois s'est penché ce jeudi sur une initiative portée par les syndicats et la gauche, demandant l'introduction d'un salaire minimum de 23 francs de l'heure. nviron 6500 personnes seraient concernées, tous secteurs confondus, dès 18 ans et hors formation professionnelle.
Une solution à la précarité
Pour la gauche, le texte est une réponse urgente à la précarité. « Travailler à 100% sans pouvoir remplir son caddie, ce n’est pas une situation acceptable », s’est indigné Armand Jaquier (PS). Il estime que cette initiative sociale permettra de combattre la pauvreté, de favoriser l’intégration et de garantir une dignité humaine minimale.
Même son de cloche chez les Verts : « Le travail doit permettre de vivre dignement, peu importe le métier », a souligné Alexandre Berset. À l’appui, plusieurs élus ont cité les effets positifs observés dans les cantons de Genève, Neuchâtel ou Bâle, notamment pour les femmes, souvent surreprésentées dans les emplois précaires.
Des craintes pour l’économie locale
Le Conseil d’État, par la voix d’Olivier Curty, propose le rejet de l’initiative sans contre-projet. Si l’objectif est jugé louable, les risques sont quant à eux trop élevés, d'après le ministre. « Ce texte menace le partenariat social en vigueur en Suisse, où les salaires sont fixés par les conventions collectives entre employeurs et employés », a-t-il rappelé. Il s’inquiète aussi de l’effet domino que pourrait entraîner le texte : déséquilibres dans les branches faiblement rémunérées, suppression de jobs d’été ou de stages pour les jeunes, encouragement au travail au noir, désincitation à la formation professionnelle.
Un avis partagé par la droite. « Pourquoi un jeune irait-il faire un apprentissage payé moins qu’un emploi non qualifié qui recevrait ces 23 francs de l'heure ? » a interrogé Nicolas Berset, député UDC. Pour lui, la mesure est contre-productive, injuste et inefficace : « Les personnes les plus précaires ne sont pas toutes des salariés. » Il prône un renforcement des CCT plutôt qu’une généralisation d’un seuil légal.
Le PLR et le Centre ont également exprimé leur scepticisme. Jean-Daniel Wicht (PLR) voit dans le salaire minimum une solution de facilité : « Dans certaines branches, cela risque d’aggraver la situation en provoquant des licenciements, une hausse du travail clandestin, et des inégalités entre entreprises. »
Une question de cohésion sociale
Pour les partisans du texte, ces arguments ne tiennent pas. Sophie Tritten, députée verte, a précisé que dans les cantons ayant adopté un salaire minimum, le chômage n’a pas explosé. Elle y voit au contraire un outil de cohésion sociale et de lutte contre les inégalités de genre.
Quant aux jobs étudiants, Alexandre Berset, député vert, répond : « Les tâches ne vont pas disparaître, il faudra bien que quelqu’un les fasse. »
La population tranchera
Au terme des vifs débats entre la gauche et la droite, le Parlement a refusé de soutenir l'initiative par 63 voix contre 33 et une abstention. Le syndicat Unia, qui a participé à l'élaboration de cette initiative, a réagi à ce vote du Grand Conseil, qu'il regrette vivement. Il qualifie cette décision d'antisociale et contraire au droit à vivre dignement de son travail.
La population fribourgeoise aura le dernier mot dans ce dossier. Elle devra se prononcer sur l'initiative pour un salaire minimum entre l'automne prochain et mars 2026.
RadioFr. - Lauriane Schott