"Il est essentiel de responsabiliser la grande distribution"

Le représentant des jeunes agriculteurs fribourgeois Robin Philipona revient sur les défis de la nouvelle génération d'agriculteurs.

La crise climatique et la lutte pour un revenu correct sont les grands défis de l'agriculture. © KEYSTONE

L'Union des paysans fribourgeois célèbre ses 175 ans cette année. Au 21e siècle, les métiers de la terre demeurent essentiels pour nourrir la population, mais les conditions climatiques évoluent et forcent les exploitants d'aujourd'hui à repenser leur façon de pratiquer leur métier.

Robin Philipona est le représentant des jeunes agriculteurs fribourgeois. Il fait partie de cette génération qui devra relever de nombreux défis pour continuer à vivre de la terre.

Radio Fribourg : Robin Philipona, l'Union des paysans fribourgeois célèbre ses 175 ans cette année. Quelle signification cela a-t-il pour vous en tant que jeune agriculteur?

Robin Philipona: En 1848, les agriculteurs du canton de Fribourg se sont réunis pour acheter des marchandises moins chères et vendre leurs productions à un prix plus élevé. À l'époque, l'agriculture était déjà dynamique, cherchant des solutions pour le présent et l'avenir. Ce qui est un peu triste, c'est qu'en 2023, 175 ans plus tard, le défi de l'agriculture reste le même: obtenir un revenu décent pour une production locale.

Un autre défi pour la jeune génération d'agriculteurs est le changement climatique. Comment envisagez-vous de nourrir la population en produisant en quantité suffisante tout en préservant la terre?

Aujourd'hui, nous devons produire plus tout en ayant un impact toujours plus faible sur notre environnement. On a des solutions, des nouvelles méthodes de travail et des technologies qui peuvent nous aider à faire ça. Il existe par exemple des drones pour surveiller les cultures ou des colliers de surveillance qui nous permettent de voir si l'animal a un problème de santé et ainsi réagir avant d'utiliser des antibiotiques. Certaines machines font du traitement plante par plante, ce qui réduit de 95% l'utilisation de nos produits phytosanitaires. Ces solutions sont déjà disponibles, bien que coûteuses, mais elles se développeront.

Une autre solution pour s'adapter serait de changer nos cultures?

Tout à fait. Le changement climatique n'est pas une menace pour l'agriculture en soi, mais plutôt pour l'agriculture qu'on connaît et qu'on pratique aujourd'hui. On va devoir s'adapter. La difficulté réside dans l'irrégularité des années. 2021 était très humide, 2022 était très sèche, et 2023 a été humide jusqu'en mai, puis sèche. On constate tout de même des températures plus élevées et des événements météorologiques plus extrêmes avec lesquels on va devoir travailler. Cela veut dire qu'on a une pousse de l'herbe forte au printemps, quasi inexistante l'été et à nouveau plus forte en automne.

Et, comme vous l'avez mentionné, il y a toujours ce problème récurrent de la rémunération des agriculteurs. Quelles sont les solutions? Négocier avec la grande distribution?

Il est difficile de discuter avec eux parce qu'ils ne sont pas ouverts. En ayant 80% du commerce de détail en Suisse, ils ont une position forte sur le marché. Il est essentiel, je pense, de responsabiliser la grande distribution. On parle aujourd'hui d'une production durable, locale, qui respecte l'environnement et les animaux, mais aussi d'une production qui a un pilier économique et social. L'agriculteur doit être rémunéré correctement pour permettre à sa famille de vivre. Et aujourd'hui, c'est la responsabilité de la grande distribution de maintenir cette production et de ne pas importer des denrées pour les mettre en concurrence avec nos produits, simplement pour avoir une meilleure marge.

Ecouter l'interview complète:

RadioFr. - Sarah Camporini / Adaptation web: Mattia Pillonel
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