Le premier centre de musique immersive ouvre à Fribourg

Un nouvel espace culturel équipé d'un système audio unique en Suisse va ouvrir ses portes dans un bunker de la Poya. Reportage.

Dans cette salle, il n'y a pas de scène. Les musiciens se produisent au milieu du public, avec une sono à 360 degrés. © Frapp

Dans les bunkers de l'ancienne caserne de la Poya, plus précisément dans ce qui était autrefois la salle multimédia des militaires, une sorte de laboratoire d'expérimentation musicale et artistique est né. Ce nouvel espace s'appelle MIAM, pour "Machine Immersive et Artistique en Mouvement", et il accueille ses tout premiers concerts dès vendredi soir.

Dans cette salle, il n'y a pas de scène. Les musiciens se produisent au milieu du public. Et au lieu d'une large façade d'enceintes qui fait face aux spectateurs, 32 haut-parleurs sont disséminés autour de la piste, formant une enveloppe sonore à 360 degrés partagée par les artistes et le public.

Happé par la musique

Fini donc cette configuration gauche-droite classique avec un volume poussé à fond pour atteindre le public jusqu'au bout de la salle. "Là, on est vraiment à l'intérieur du son. On l'appréhende différemment, on le mixe différemment", s'enthousiasme Jocelyn Raphanel, l'ingénieur du son qui a lancé ce projet.

Pour illustrer son propos, il lance une chanson des Young Gods, qu'il avait spécialement mixée pour cette installation. Le résultat est bluffant. Le son de la guitare n'est plus statique, mais tourne autour de la salle au rythme de la musique. La voix du chanteur vient d'abord de devant, puis de derrière, d'en haut, d'en bas… Jocelyn Raphanel se voit d'ailleurs un peu comme un "sonographe", par analogie avec le scénographe, car avec 32 pistes et tout autant de haut-parleurs, il peut diriger et donner vie à chaque instrument.

Et pour les musiciens aussi, l'expérience du live est totalement inédite, notamment parce qu'ils partagent enfin la même sonorisation que le public. "On casse cette barrière entre la scène et le reste. On est au milieu des spectateurs, au milieu du son. D'un point de vue émotionnel, c'est extrêmement fort", témoigne Olivier Verleye, musicien pour le groupe de drone et de musique ambient Sowl, qui a déjà eu l'occasion de tester le système. Il se souvient de ses premiers soundchecks. "On voulait faire cinq minutes de morceau juste pour voir si tout allait bien… On finissait par jouer pendant 45 minutes sans même s'en rendre compte."

Un rêve devenu réalité

Des salles comme celle-ci, il n'en existe "qu'une vingtaine seulement en Europe", précise Jocelyn Raphanel. Et en Suisse, MIAM est la première.

Son histoire commence par un coup de foudre. En 2017, l'ingénieur du son assiste à un concert immersif à Bruxelles qui va changer sa vie. "Après ça, je me suis dit que c'était fini… je ne vais plus mixer sur deux haut-parleurs, je vais mixer sur plein de haut-parleurs", raconte le passionné. Lorsque la caserne de La Poya est rendue à la vie civile, il saisit l'opportunité. Six mètres sous terre, dans une ancienne salle multimédia de 20 mètres sur 13 avec un traitement acoustique déjà existant, l'espace est idéal.

Le projet est sur les rails depuis juin 2024. "On a comme ambition de rendre accessibles au grand public les arts immersifs, que ce soit au niveau sonore ou vidéo", explique Maxime Barras, le président de l'association MIAM. "On souhaite créer un lieu d'expériences plus uniques, montrer quelque chose de nouveau à un public qui en a peut-être un peu marre des expériences classiques."

MIAM accueille aussi des artistes en résidence, pour "travailler un peu comme un laboratoire autour de ces technologies", ajoute Maxime Barras. L'idée est que les artistes puissent apprivoiser et exploiter au maximum le système innovant de la salle, tant au niveau du son que du visuel. Des collaborations sont déjà en place avec le SMEM, le nouvel Opéra de Fribourg, la Haute École de Musique, mais aussi avec des partenaires technologiques comme l'EPFL ou le Centre de Création Musicale Nationale de Reims.

Entre concert de musique classique, de musique électronique, performances artistiques et bains sonores, le programme de la première saison de MIAM est déjà très éclectique. Rendez-vous sur le site de l'association pour découvrir cette programmation.

Frapp - Mattia Pillonel
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