Plonger dans le passé pour soigner son présent
Nos ancêtres ne nous transmettent pas que leurs gènes, mais parfois leurs traumatismes. La psychogénéalogie peut aider à y voir plus clair.

Constituer son arbre généalogique, mais pas seulement en indiquant les dates de naissance et de mort de vos ascendants. Mais en incluant toutes les informations que vous pouvez avoir. Les professions exercées par vos parents, grands-parents et générations antérieures, leurs migrations, les événements, les épreuves, voire les drames qu'ils ont traversés.
"On va vraiment chercher dans l'arbre généalogique le bois, l'essence dont est fait la personne". Pascale Fasel Sudan est thérapeute à Fribourg. Elle a aussi recours à cette démarche de psychogénéalogie pour aider ses patients et patientes à identifier la source de leur mal-être.
Elle l'a notamment fait avec Anne-Gabrielle, sa collègue mais aussi patiente et amie. "Mon oncle, témoigne cette dernière, est mort et a été enterré les jours où j'ai été conçue. Évidemment ça a un impact!" C'est en interrogeant sa mère qu'Anne-Gabrielle a eu des informations sur cette période. Et pour cette hypnothérapeute, c'est comme un voile qui s'est levé.
On va peut-être dire que c'est du hasard, mais quelques jours après, mon fils m'appelait.
Mais cette recherche peut s'avérer difficile et douloureuse. Anne-Gabrielle est remontée "seulement" jusqu'à ses parents. Un travail qui a déjà pris deux heures et qui l'a énormément bouleversée. Mais elle a pu identifier et comprendre que l'exclusion était le dénominateur commun dans sa famille.
Alors qu'elle vivait une période compliquée avec son dernier fils, qui la rejetait complètement, Anne-Gabrielle a recontacté son père biologique par écrit et l'a inclus à nouveau dans sa vie. "On va peut-être dire que c'est du hasard, mais quelques jours après, mon fils m'appelait, se souvient Anne-Gabrielle, je ne sais pas si c'est ça ou pas, mais en tout cas j'ai compris quelque chose."
Cette autre patiente de Pascale Fasel Sudan a compris elle qu'un schéma se répétait depuis 4 générations dans sa famille. Sur les trois enfants, l'aînée reste vivre avec sa mère malade, la sœur du milieu aide tout le monde et le frère cadet est addict. Prendre conscience de la redondance d'un modèle permet parfois d'en sortir. "Mais on ne trouve pas toujours quelque chose", tempère la thérapeute.
Démarche personnelle parfois complexe
La psychogénéalogie n'a rien de magique et tout événement vécu dans une famille n'a pas forcément un impact négatif sur les générations suivantes. "On a encore le droit d'avoir des traumatismes sans nuire à toute sa descendance !" ironise Pascale Fasel Sudan.
On a encore le droit d'avoir des traumatismes sans nuire à toute sa descendance.
En revanche, une situation qui est restée sous silence ou mal digérée peut elle avoir des répercussions. C'est par exemple le cas d'une naissance illégitime, vécue à l'époque comme une honte, cachée parfois au sein d'un mariage arrangé. "C'est aussi l'impact émotionnel qu'on ressent quand on vit une telle situation, qu'on transmet à nos descendants.
Et souvent quand les choses ne sont pas évoquées, elles peuvent provoquer des symptômes aux générations suivantes, comme des rêves récurrents, des angoisses, des échecs. Le silence est comme un voile sur l'événement traumatique. Tout comme la loyauté. "On sent qu'il y a une douleur, on sent que si on met le doigt dedans, ça va nous péter un peu à la figure, ça va faire mal à notre mère, à notre grand-mère. Toute cette loyauté empêche de voir ce qui se passe !" Entamer un travail en psychogénéalogie est une initiative personnelle compliquée.
"C'est clair que ça fout un peu le bordel dans l'histoire, rigole Anne-Gabrielle, parce que c'est moi qui fait la démarche, pas ma maman ni mes enfants. Ce n'est pas facile pour eux !" Mais la quinquagénaire est convaincue du bienfondé de sa démarche: "Mon fils va mieux, il est à nouveau proche de moi. Je crois que quand je travaille pour moi, je travaille pour mes enfants ".