Presbyacousie: entendre moins bien, c'est s'isoler plus

De nombreux aînés souffrent d'une perte d'audition. Ce problème cause parfois l'isolement, mais des appareils auditifs peuvent les aider.

En Suisse, les prix des appareils auditifs de qualité semblable sont 40% voir 50% plus élevés qu'en France. © Envato/halfpoint

Il ne faut pas sous-estimer le fait "d’être dur de la feuille" passé un certain âge. Derrière cette expression, à l’apparente légèreté, se cache une réalité pesante pour nos aînés: la presbyacousie.

Cette perte progressive de l'audition affecte un tiers des personnes de plus de 60 ans et 75% des plus de 80 ans. Une forme de surdité inéluctable dont les effets ne sont pas anodins avec, à la clef, un risque d'isolement social. "Imaginez, vous fêtez avec un octogénaire, exemplifie Rodolphe Thomi, médecin généraliste à la retraite. Vous invitez du monde, mais rapidement, vous vous apercevez que si vous ne vous adressez pas frontalement, et dans le calme, à l'octagénaire, il va vite s'isoler."

Ce problème d'isolement peut mener à la résignation et à la dépression. Mais pourquoi s'isole-t-on? "Parce qu'on ne se sent plus concerné par ce qui n'est plus perceptible", répond Rodolphe Thomi. À cela s'ajoute encore les dangers quotidiens de la surdité, comme ne plus entendre un bus lorsqu'on veut traverser la route.

Vieillissement des cellules

La presbyacousie est une surdité progressive qui touche surtout la partie cochléaire, c'est-à-dire celle qui perçoit les signaux électriques à transmettre au cerveau. Elle est causée essentiellement par le vieillissement des cellules.

"Mais il ne faut pas oublier les phénomènes traumatiques ou d'usure plus spécifique de toute l'ouïe par des sons irruptifs, ajoute Rodolphe Thomi. L'écoute prolongée de sons forts contribue évidemment à user prématurément le système."

Quel(s) geste(s) à adopter?

Lorsqu'on parle à une personne qui n'entend pas bien, on peut avoir tendance à parler plus fort ou à articuler à outrance. Si le but est louable, la méthode n'est pas bonne, insiste le professionnel de la santé. "La personne a tendance à réagir négativement si elle sent qu'on lui parle avec un ton différent. Il suffit de parler distinctement, en s'adressant spécifiquement à la personne. Il faut aussi favoriser les petits groupes plutôt que les grands rassemblements."

Il existe aussi des appareils auditifs pour améliorer le quotidien des seniors. Attention cependant à ne pas s'y prendre trop tardivement pour s'en équiper. "Un appareil auditif a du sens seulement s'il est mis en place les deux premières années d'une surdité notoire, indique Rodolphe Thomi. Au-delà, ça devient une gêne parce que le cerveau s'est déjà habitué au déficit. Il tend à isoler le problème en essayant de trouver une harmonie d'existence entre ce qui peut être entendu de l'extérieur et ce qui n'est plus utilisable", précise-t-il. 

La plupart des bruits, qui seront transmis, perdent en signification. Ils deviennent ensuite des sons nuisibles et douloureux pour la personne atteinte de surdité, selon le médecin généraliste.

"C'est là que le bât blesse"

L'offre et les prix des appareils auditifs sont très diversifiés, ainsi, il est difficile de faire un choix adéquat. "Le système de santé est d'une part basé sur un marché totalement libre, de l'autre part, les appareils auditifs médicaux ne sont pas pris en charge par la LAMal. Par conséquent, les acheteurs se retrouvent dans un marché non contrôlé avec une offre d'appareils performants qui s'élèvent entre 8'000 francs et 10'000 francs", déplore le médecin de famille à la retraite. 

Les appareils d'entrée de gamme, qui coûtent entre 1000 francs à 2000 francs, "sont des bons amplificateurs de bruit global", explique Rodolphe Thomi. "Toutefois, si les sons ambiants noient la parole, alors il n'y a aucun gain pour la personne sourde. Ce sont des bruits comme celui du vent qui prendront l'ascendant sur les autres sons que les individus souhaitent percevoir". 

Par ailleurs, les caisses maladies ne participent pas aux frais d'appareillage, elles renvoient le problème à l'AI et à l'AVS qui n'octroient des subsides qu'à hauteur de 1200 francs maximum. "C'est une volonté politique finalement. La société estime que ce n'est pas un problème déterminant et les caisses maladies ne rentrent pas en matière, car cela représentent des coûts trop importants", déclare le généraliste, "La prothèse auditive est seulement prise en charge si un patient effectue un implant cochléaire, une intervention complexe et onéreuse. Par contre, un appareil, certes externe, mais prothétique et de bonne qualité, n'est pas pris en charge."

Traitement injuste

Le médecin de famille retraité, Rodolphe Thomi, soulève une autre contradiction au sujet des subventions. Pour bénéficier d'aides, la perte d'audition du senior doit être supérieure à 35% alors que la limite est de 20% pour les personnes actives : "Il y a une forme d'agissement concernant les problèmes de surdité, car la société n'applique pas les mêmes critères de sélection d'après l'âge du patient, on ne valide pas le besoin par une prise en charge de la personne et on a longtemps estimé qu'un seul appareil suffisait à retrouver une qualité de vie alors que les personnes perdent toutes notions d'audition stéréophonie."

RadioFr. - Delphine Bulliard / Adaptation web: Mattia Pillonel & Yann Girard
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