Recul du droit international humanitaire
L'Appel de Genève s'inquiète de l'"effondrement" du droit international humanitaire (DIH), dû notamment aux grandes puissances. Son directeur observe l'"impact mondial" de l'attitude israélienne à Gaza sur le discours des groupes armés auprès desquels elle oeuvre.

"Le grand défi est de voir le respect du droit s'effondrer à une si grande vitesse dans certaines des plus vieilles démocraties occidentales", affirme Alain Délétroz à Keystone-ATS, alors que l'ONG commémore ses 25 ans. "C'est effarant".
Dans sa mission de convaincre les groupes armés non étatiques et les autorités de fait d'honorer le DIH, le directeur général observe que, "de la Colombie à la Birmanie, tous les commandants nous parlent de Gaza". Ceux-ci demandent pourquoi ils devraient se conformer aux Conventions de Genève alors que certains Etats signataires ne le font pas.
"Il y a une attente, y compris des interlocuteurs de l'Appel de Genève, qui est bien plus élevée par rapport au respect du droit de la part d'une démocratie que celle d'une dictature militaire", insiste M. Délétroz. "Tout le monde s'attend à ce que l'armée israélienne honore davantage le DIH que celle de la Birmanie".
Autre effet, "la sauvagerie des attaques" perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d'Israël: parmi les plus de 200 groupes armés avec lesquels l'Appel de Genève dialogue, "je porte l'espoir qu'aucun ne commettrait plus de telles horreurs contre des civils", insiste M. Délétroz.
"Une réflexion"
Plus largement, il déplore que les Conventions de Genève soient de plus en plus bafouées. "Malgré nos succès, nous tournons notre anniversaire davantage vers une réflexion que vers une auto-célébration", dit le directeur général qui parle aussi d'échecs.
Les groupes réfractaires acceptent souvent de s'engager auprès de l'ONG lorsqu'ils contrôlent un territoire et une population vastes et doivent maintenir l'ordre, une tâche à laquelle ils ne sont pas habitués. Ou alors lorsqu'ils se délitent et deviennent à leur tour victimes de violations du DIH.
Mais un grand nombre de groupes dialoguent parce que leurs chefs doivent négocier avec des autorités d'autres pays et veulent éviter d'être accusés de crimes de guerre.
Avancée en Afghanistan
Parmi ses succès, l'Appel de Genève a réussi à convaincre les talibans, après les avoir fait venir à Genève, à faire en sorte qu'une partie des milices se transforment en unités de police répondant à des standards minimaux de protection des populations. En particulier lors de passages de femmes aux points de contrôle.
"Au début, ces contrôles étaient chaotiques et violents. Cela se passait très mal parce que les responsables ne savaient pas comment faire", dit encore le directeur.
Certaines ONG, comme l'Appel de Genève, peuvent toujours employer des femmes en Afghanistan. L'organisation a aussi obtenu que les rentes des veuves afghanes soient versées, après une approche technique. En revanche, elle n'a jamais rien obtenu sur l'éducation pour tous, les femmes en étant exclues. "Le fait de soulever cette discussion n'aboutit à rien", déplore M. Délétroz qui en a parlé à plusieurs reprises avec les talibans.