Un risque terroriste accru en Suisse
La menace terroriste s'est accentuée en Suisse depuis le début de l'année, avertit le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) Christian Dussey.
Il pointe une campagne lancée par l'Etat islamique (EI) appelant à commettre des attaques en Europe. Le groupe islamiste terroriste "n'en avait plus fait depuis longtemps. Ça a vraiment donné un nouvel élan au mouvement, démultiplié par les réseaux sociaux", indique M. Dussey dans un entretien diffusé jeudi par les journaux du groupe de presse Tamedia.
Le risque d'attentat le plus probable en Suisse "est celui d'un acte de violence perpétré par un individu isolé inspiré par le djihadisme", ajoute-t-il, citant comme exemple l'attaque antisémite commise avec un couteau par un adolescent de 15 ans contre un juif orthodoxe au début mars à Zurich. La victime, âgée de 50 ans, avait été grièvement blessée. Le jeune a revendiqué son acte dans une vidéo au nom de l'EI.
En comparaison avec l'évolution de la menace djihadiste, l'extrémisme violent de droite ou de gauche est plutôt stable, assure le chef du SRC.
"Se mettre en scène"
Il rappelle qu'une trentaine d'arrestations en lien avec des menaces terroristes islamistes ont été effectuées en Europe depuis le début de l'année. "C'est plus que pour toute l'année passée". Et ajoute-t-il, "la Suisse est particulièrement touchée". Trois jeunes de 15, 16 et 18 ans ont notamment été interpellés en avril à Schaffhouse et en Thurgovie pour des soupçons d'activités terroristes.
M. Dussey explique la radicalisation des plus jeunes comme un moyen de "se mettre en scène" sur les réseaux sociaux et d'augmenter leur audience et leur succès. "D'autres souffrent d'un déséquilibre psychologique".
Pour contrer la menace islamiste, le SRC procède à une surveillance d'Internet "en collaboration étroite avec les services de renseignement étrangers", relève M. Dussey. Depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la collaboration fonctionne "exceptionnellement bien". "Si un État a vent d'un projet d'attentat en Suisse, il nous avertit et nous aide à faire face. Et inversement".
Près de 20'000 informations sont échangées chaque année entre le SRC et les services de renseignement étrangers partenaires, indique le chef du renseignement suisse. "Cette collaboration internationale est tout simplement indispensable" pour le SRC, sous-doté en personnel et dont la taille "est plus petite que celle de la police de la ville de Lausanne".
Manque d'effectifs
Ce manque d'effectifs a encore été mis plus à mal par l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, note M. Dussey. "Après plus de deux ans de guerre hybride et l'accentuation de la menace terroriste, nous devons constater que la transformation [lancée avant l'attaque russe, ndlr] ne permettra pas de compenser le sous-effectif important du SRC". Selon lui, des discussions sont en cours avec le Département fédéral de la défense pour augmenter les effectifs du SRC.
M. Dussey remarque que la guerre en en Ukraine "s'est développée en une guerre hybride qui mêle espionnage, cyberattaque, désinformation, opérations de sabotage ou encore transfert illégal d'armes". A cela, poursuit-il, il faut ajouter l'acquisition des technologies, des pièces détachées ou des composants utiles pour leur effort de guerre, dont certains sont soumis à restrictions en raison des sanctions internationales contre la Russie.
"La Suisse est directement et indirectement touchée, car cette guerre hybride se déroule en partie sur son territoire", relève le chef du SRC. "Tous les jours, nous menons des opérations contre ce type d'événements" pour éviter que la Suisse ne serve de plateforme, "où les services de renseignement étrangers mènent des opérations contre nos intérêts".