HPI: vivre en décalage permanent

Les personnes à haut potentiel intellectuel passent leur vie à tenter de s'adapter aux autres, au risque parfois de se perdre. Témoignage.

Laurent Gendre a découvert qu'il était HPI l'an dernier. © DR

Laurent Gendre a le sourire et l'envie de partager son expérience. Celle d'un homme qui vivait à 100 à l'heure, avant de sombrer dans une profonde dépression, puis de renaître. C'était il y a moins d'un an, lorsque sa neuropsychiatre lui révèle, au terme de toute une batterie de tests, qu'il est en fait une personne HPI, c'est-à-dire à haut potentiel intellectuel. "J'ai perdu plusieurs kilos de frustration et de tristesse", se souvient-il. "C'était une libération!"

Depuis toujours, le Sarinois de 43 ans s'est senti à part. À l'école, il apprenait très vite et très facilement. Ses notes étaient exceptionnelles, sans faire beaucoup d'efforts. Et sa popularité était au top; il était très bon camarade et donnait volontiers un coup de main aux copains moins doués. Mais pas suffisamment stimulé, il commençait à s'ennuyer en cours. Ses enseignants, comme ses parents, le savaient. Le petit en avait sous le coude, mais il faisait le minimum. "Quand une matière ne m'intéressait pas, je ne faisais absolument rien. En revanche, quand une matière m'intéressait, j'apprenais même en dehors de l'école. Il n'y avait pas de limite."

"C'est l'histoire de ma vie"

À côté de ces aptitudes intellectuelles hors normes, le Fribourgeois était distrait, désorganisé, toujours à la bourre et commençait huit choses à la fois, sans en terminer une seule. "C'est l'histoire de ma vie", ironise le quadragénaire, qui souffrait aussi, mais il l'apprendrait également des années plus tard, d'un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité.

Pendant des décennies, Laurent tentait de s'adapter au rythme des autres et de se conformer à leurs attentes. Mais le chef d'entreprise souffrait et s'épuisait jusqu'à craquer complètement. Il faisait un burn-out. Une épreuve, mais en même temps une renaissance. Traité au centre de psychiatrie et de psychothérapie des Toises et diagnostiqué HPI, il a pu enfin comprendre la raison de son mal-être, et trouver les clés pour s'en sortir.

Jusqu'à la dissociation

Claire DiPaola dirige l'établissement de soins situé à Givisiez. Elle connaît très bien les particularités des personnes HPI, leur rapidité de réflexion, leur volonté de toujours trouver des solutions à tous les problèmes, leur perfectionnisme, leur hypersensibilité ou encore leur grande empathie.

Et leur capacité à s'adapter, tellement développée qu'elle peut les conduire à une véritable dissociation. Beaucoup finissent par faire une dépression, comme Laurent. Mais peuvent s'en sortir. Pour cela, il leur faut apprendre à s'écouter, à trouver un équilibre entre les attentes des autres et leurs propres besoins. Un cadre suffisamment stimulant, mais pas trop pour ne pas se brûler les ailes. "Souvent, ils ont envie de tout faire", constate la psychiatre. Mais ils doivent se mettre des limites.

Laurent Gendre a retrouvé une forme de sérénité. Il se connaît mieux, comprend les raisons de son comportement et veut maintenant faire profiter les autres HPI de son expérience, en faisant du coaching, afin de donner du sens à ces années de souffrance.

RadioFr. - Sarah Camporini
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