VS: journaliste du Matin Dimanche acquitté
Le journaliste du Matin Dimanche accusé d'avoir dévoilé des extraits d'un rapport d'une commission parlementaire deux jours avant sa parution officielle a été acquitté jeudi à Sion. Le ministère public ne se prononce pas encore sur un éventuel recours.
Le juge François Vouilloz a annoncé l'acquittement du prévenu au tribunal du district de Sion vers midi. Le détail du jugement tombera ultérieurement.
C'est sur cette base que le procureur général Nicolas Dubuis décidera de faire recours ou non, a-t-il indiqué à Keystone-ATS à l'issue de l'audience.
"Appliquer la loi"
Pour le ministère public, le journaliste s'est rendu coupable de publication de débats officiels secrets. Il l'a d'ailleurs condamné pour cela en septembre 2022 via une ordonnance pénale à laquelle le prévenu s'est opposé, ouvrant ainsi la voie au procès qui s'est tenu jeudi matin.
Dans son ordonnance pénale, qui tient lieu d'acte d'accusation, le parquet reproche au journaliste d'avoir diffusé dans son article des extraits du rapport de la commission de gestion du Grand Conseil (Cogest) sur l'affaire dite des constructions illicites à Verbier. Un document qu'il avait obtenu deux jours avant qu'il ne soit mis en ligne sur le site officiel du Parlement valaisan.
Selon le ministère public, le journaliste "savait qu'il publiait ou à tout le moins a accepté l'éventualité de divulguer des informations à caractère encore secret dans son article (...)", et il s'en est accommodé. "N'aurait-il pas dû attendre au risque de perdre son scoop?", a interrogé le parquet.
"Il ne s'agit pas de s'attaquer à la liberté de la presse, mais d'appliquer la loi", a souligné le procureur général, rappelant qu'à l'origine de la procédure figure une dénonciation pénale contre X déposée par le Grand Conseil. Le procureur général a conclu son intervention en demandant au juge de confirmer l'ordonnance pénale et donc de condamner le prévenu à une amende de 800 francs
"Connu et sans secret"
Me Mathias Burnand, avocat du journaliste, s'est attaché à démonter l'acte d'accusation du parquet construit autour de l'article 293 du Code pénal, un article qui punit la publication de débats officiels secrets. Selon le défenseur, cet article implique "des secrets majeurs" et ne peut donc s'appliquer à un rapport sans secret et connu avant sa publication officielle par "tous les acteurs majeurs de la politique valaisanne et même par le Conseil d'Etat, malgré la séparation des pouvoirs".
"Ce que l'on reproche en fait à mon client, c'est une violation du secret de fonction. Mais il est impossible de condamner un journaliste pour cela, car un journaliste doit pouvoir parler d'éléments qui sont constitutifs d'une violation du secret de fonction. Le ministère public le sait et est passé par la bande en utilisant l'article 293 pour atteindre mon client", a-t-il affirmé.
Quant aux quarante-huit heures qui ont précédé la mise en ligne officielle du rapport de la Cogest, elles ont servi aux acteurs concernés "à se préparer à la réaction du public et aux questions des médias", a poursuivi la défense. Son client n'a fait que son travail et son devoir en "refusant de se caler sur l'agenda de la communication officielle". Ce qu'il a brisé, c'est "un embargo communicationnel", a-t-il asséné.
Un journaliste "qui dérange"
Le défenseur rappelle que son client est "le lanceur d'alerte" qui a révélé l'affaire des constructions illicites à Verbier en 2015. Selon lui, le journaliste d'investigation dérange, ce qui rend cette affaire "éminemment politique".
Il en veut pour preuve certaines "effarantes remarques" de la police protocollées dans les dossiers. Celles-ci laissent notamment entendre qu'avec la parution de son article à la veille des élections communales, son client aurait ourdi un complot anti-PDC (ex-Le Centre).
Interrogé en début d'audience par le juge Vouilloz, le journaliste a contesté l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés. "Je n'ai fait que mon travail dans cette affaire".