Accueillir un enfant pour quelques mois ou des années

C'est l'engagement pris par quelques 150 familles d'accueil dans le canton de Fribourg. Avec des difficultés mais aussi de grandes joies.

Isabella et son mari, parents de trois enfants, forment une famille d'accueil dans la Broye. © KEYSTONE

Le canton compte en tout 152 familles d'accueil pour 160 enfants placés. Comme le précise Stéphane Quéru, chef du Service l'enfance et de la jeunesse (SEJ), la majorité des placements sont intrafamiliaux. Oncles, tantes ou encore grands-parents sont en effet désignés pour prendre en charge l'enfant à la place de ses parents, pour des raisons diverses: une impossibilité à assumer le rôle parental, mais aussi parfois pour des motifs organisationnels.

Il y a aussi des familles engagées par des organismes professionnels de placement, dont le siège se trouve souvent hors du territoire fribourgeois et qui placent des enfants venant d'autres cantons. Et puis enfin, il y a les familles d'accueil spontanées, 45 en tout, qui comme Isabella, se mettent à disposition pour accueillir un jeune. 

En plus de ses trois enfants, une ado et deux jeunes garçons, cette Broyarde et son mari s'occupent depuis juillet dernier d'une petite fille de 6 ans, "souriante, bien dans sa peau et dégourdie". Si la petite ne "se lâche pas encore complètement", les relations sont "chaleureuses".

Un choix qu'ils ont fait il y a 3 ans. L'idée leur trottait dans la tête depuis un moment. Et puis une émission sur le sujet les a décidés. "On a eu des familles qui se sont bien occupées de nous, explique la Broyarde, on a pu bien grandir. On s'estime heureux d'avoir ce qu'on a, d'avoir une maison et de la place. J'ai le temps. Je veux être là pour mes enfants, alors pourquoi ne pas être là pour un enfant en plus", indique-t-elle.

Transmettre de l'amour

C'est ce que souhaite Isabella avec la petite dont elle a désormais la charge. "On essaie de lui donner ce cocon qu'elle n'a pas. C'est encore un petit peu difficile mais le plus important c'est qu'on soit là, à l'écoute, pour le petit câlin du soir, pour donner la main quand c'est nécessaire." Pour ses propres enfants, la situation n'est pas évidente. Son dernier fils, âgé de 9 ans, a perdu son statut de petit dernier. Il faut que chacun retrouve son équilibre.

Et puis il faut composer avec les parents de l'enfant. Mais Isabella a surtout des contacts avec la responsable de la petite. Et c'est mieux comme ça, selon elle. Parce que des relations directes avec la famille biologique pourraient être invasives. C'est une manière de se préserver. Et pour se protéger, il faut aussi éviter de surinvestir la relation avec l'enfant accueilli. Être conscient que le placement peut s'arrêter pour diverses raisons. Et aussi que la famille accueillante peut dire stop si ça devient trop compliqué.

Leur entourage ne comprend pas toujours leur engagement. Maintenant que ses trois enfants deviennent plus grands, le couple pourrait profiter d'avoir plus de temps pour lui. Et pourquoi alors ne pas avoir adopté s'il voulait un quatrième enfant? Mais la Broyarde n'est pas dans cette optique. "Nous n'avons pas besoin d'un autre enfant." Etre famille d'accueil, c'est pour elle "un geste envers un enfant qui n'a rien demandé à personne et qui est plein de joie et de plaisir de vivre."

Des critères précis

Le couple a donc fait une demande et passé les différentes étapes nécessaires pour obtenir une autorisation. Elle répondait aux critères définis par l'ordonnance fédérale réglant le placement d'enfants. Aptitudes personnelles, compétences éducatives, état de santé des parents nourriciers et des autres membres de leur ménage, conditions de logement, possibilité de formation pour le mineur accueilli et enfin bien-être des enfants biologiques de la famille, voilà tous les paramètres qu'une équipe spécialisée du SEJ doit prendre en compte avant de donner son aval. "Ce n'est pas intrusif, mais c'est sérieux", affirme Stéphane Quéru. "On veut que ce projet ne soit pas quelque chose de trop difficile à vivre si par hasard il y avait un échec du placement."

Et puis il faut être aussi capable de gérer le départ d'un enfant dont on s'est occupé jour et nuit pendant un temps donné. Avant la fillette actuellement chez elle, Isabella a eu la charge d'un petit garçon de 3 ans. "Un rayon de soleil" dont elle s'est occupée pendant 6 mois, avec au début pas mal de nuits compliquées. L'enfant a finalement pu retourner chez sa mère. Dénouement heureux et logique mais il a tout de même fallu plusieurs mois à Isabella et les siens pour digérer cette première expérience. Joli cadeau au final: alors que les relations étaient un peu tendues avec la maman biologique pendant le placement, cette dernière a repris ensuite contact avec la famille d'accueil de son fils. Et Isabella a ainsi pu avoir des nouvelles de son petit protégé.

Une indemnité symbolique

Élever un enfant, ça coûte cher, tous les parents vous le diront ! Les familles d'accueil fribourgeoises reçoivent elles 34 francs 50 d'indemnités journalières par enfant. Une rémunération symbolique, estime Stéphane Quéru, au regard du travail éducatif mené par ces volontaires. Pour le chef du SEJ, il y a des progrès à faire dans le domaine. Des propositions ont été faites en ce sens, dévoile-t-il, un projet est sur la table et il espère bien le voir pris en compte dans le plan financier des prochaines années.

"Les frais annexes de l'enfant, comme l'habillement ou les assurances, sont pris en charge", précise Isabella. L'indemnisation "on ne dit pas non, rigole encore la Broyarde, mais ça ne doit pas être le point de motivation". Mais la question financière fait aussi partie de l'équation quand on cherche des familles volontaires.

Faire connaître les besoins aussi. 4 cantons romands, Vaud, Genève, le Valais et Neuchâtel ont lancé une campagne commune de recrutement mais Fribourg, pourtant engagé dans la préparation de cette action, n'y participe pas pour le moment. Le SEJ a eu d'autres préoccupations, regrette Stéphane Quéru. Et notamment le phénomène jusqu'ici peu connu des organismes prestataires qui démarchent des familles d'accueil et travaillent avec d'autres critères. Priorité donc pour le Service: "vérifier qu'on n'était pas dans un business du placement!"

RadioFr. - Sarah Camporini
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