Alain Sapin: Groupe E compte baisser ses prix "à terme"
Le nouveau directeur général de l'énergéticien fribourgeois veut maintenir le cap des investissements et réduire les coûts de fonctionnement de l'entreprise.

Officiellement nommé au poste de directeur général depuis le mois de septembre, Alain Sapin est confiant sur la capacité de l'entreprise à générer des marges satisfaisantes. La tendance des prix devrait aussi continuer à la baisse après 2026.
Radio Fribourg: Vous avez annoncé une baisse des tarifs pour l’année prochaine (-1,6% en moyenne, soit environ 70 francs de moins pour une famille qui vit dans un appartement). Mais les factures avaient augmenté de 20% en 2023, et de 30% en 2024. Va-t-on retrouver un jour les prix d’électricité d’avant la crise?
Alain Sapin: Je peux vous répondre qu’ils vont baisser à terme. Nous sommes encore dans une phase de rattrapage. En gros, la commission d’électricité contrôle nos tarifs, qui sont publiés chaque année au mois d’août pour l’année suivante. Nous avons un manque de perception de factures qui date des trois dernières années. Nous devons encore récupérer une partie. Mais, comme je l’ai dit lors de l'annonce des tarifs, notre objectif est d’arriver à un prix intégré d’environ 25 centimes à l’horizon 2027 (contre 27,61 centimes en moyenne par kilowattheure en 2026, ndlr).
Vous avez pris vos fonctions dans un climat tendu: licenciements, rentabilité en baisse. En un mot, comment va Groupe E aujourd'hui?
Groupe E va bien et va aller très bien. Nous traversons une période un peu compliquée avec ce que nous avons vécu en 2024. Les programmes d’assainissement sont lancés, notamment pour le département des installations électriques. Il se porte déjà mieux en 2025, devrait atteindre l’équilibre en 2026 et viser environ 3% de marge à l’horizon 2028. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé. De ce côté, je suis assez confiant. Il faudra néanmoins réduire un peu les coûts de fonctionnement dans le reste des activités, notamment ce qu’on appelle les fluides: chauffage à distance et électricité.
Qu'est-ce que cela signifie concrètement? Il y avait eu 168 personnes licenciées plus tôt cette année. Vous avez aussi annoncé dernièrement que 15 postes allaient être supprimés dans la direction technique. Vous parlez maintenant des fluides: cela pourrait aussi passer par des coupes ?
On ne peut jamais l’exclure. Je veux être transparent vis-à-vis des collaboratrices et collaborateurs du groupe. L’idée est de travailler uniquement avec des départs volontaires ou des départs en retraite. Nous ne sommes pas dans une urgence, mais nous devons nous préparer à cette fameuse ouverture du marché, qu’elle vienne ou non, et donc être prêts à réduire un peu nos coûts de fonctionnement.
Aujourd’hui, le programme n’est pas encore finalisé, mais le but est de faire tout cela sans écueils, comme nous avons eu malheureusement en avril et en septembre.
Une autre inquiétude au sujet de l'entreprise, c'est son endettement. Vous avez annoncé qu’en dix ans, vous investirez deux milliards de francs. Avez-vous les reins assez solides pour ces investissements ?
Ce qui est réjouissant, c’est que nous avons des projets – beaucoup d’autres distributeurs n’en ont pas. Du Haut-Valais aux montagnes neuchâteloises, dans l'éolien, l'hydraulique, etc. Deux milliards sont prévus sur dix ans: nous générons 170 à 200 millions de cash-flow chaque année. Les entreprises sont payées à 30 jours, donc il nous faut de l’argent externe pour un temps. Nous avons levé 250 millions en emprunts obligataires dans d’excellentes conditions et nous aurions pu obtenir 100 millions de plus. La santé est là : les investisseurs n'ont pas hésité à nous prêter de l’argent.
La population se pose aussi des questions sur votre changement de stratégie. Vous allez créer une nouvelle société, Groupe E Tech, qui s'occupera de la technique du bâtiment – installation électrique, photovoltaïque, pompe à chaleur, etc. On avait autrefois Groupe E Connect et Groupe E Entretec, qui étaient des entités séparées. Vous avez voulu les intégrer à la maison mère. Aujourd’hui, vous faites l’inverse. Expliquez-nous.
À l'image de beaucoup de groupes électriques, nous avons voulu tout centraliser: une seule marque, une seule équipe finance/RH, etc. Mais face à notre concurrence sur le terrain, qui a de plus petites structures, cela s’est révélé trop lourd et compliqué. Nous devons redonner de l’autonomie et de l’indépendance, tout en conservant la marque unique – Groupe E. L’objectif est de donner toutes les chances à ces entités de travailler sur leur marché ; c’était l’idée à l’origine.
Groupe E a laissé entendre en début d'année que vous vous retirez des grands chantiers. Est-ce que vous maintenez ce cap?
Suite aux mauvais résultats 2024 et à l'audit interne que nous avons mené, nous avons pris une mesure un peu extrême. Le chiffre de 100'000 francs est sorti dans la presse. Aujourd’hui, nous avons revu la chose: nous nous positionnerons à nouveau sur des chantiers de plusieurs millions, mais avec des garde-fous et en renforçant la compétence financière des responsables. Je pense que techniquement, tout est bien fait, mais le suivi financier doit s’améliorer. Nous voulons rester présents sur ces projets, sans aller concurrencer les petits installateurs sur les très petits mandats.
Il est vrai que nous avons pris des parts de marché par rapport à de plus petits installateurs, je comprends que cela a suscité des critiques. Nous devons revenir à une ligue intermédiaire. Je ne pense pas que nous irons sur des projets de plusieurs dizaines de millions.
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