Aux Grand-Places, une auberge qui a traversé le temps

Le Café des Grand-Places ouvre ce vendredi à Fribourg. L'occasion de revenir sur la longue histoire de la bâtisse.

Le café des Grand-Places au début du 20ème siècle. © Service des biens culturels, Fonds Heribert Reiners

Tout commence à la fin du Moyen-Âge, au terme du 15e siècle. Sur un grand terrain situé en dehors des murs de la ville de Fribourg, on s'entraîne au tir, à l'arbalète d'abord puis avec toutes sortes d'armes à feu. Discrète, une petite maison se dresse au milieu de cette place, permettant aux soldats de se détendre, s'abreuver et manger. On appelle cela une maison de tir.

A l'intérieur, une salle à boire, un petit appartement, où le tenancier réside avec sa famille, et si l'on monte le grand escalier de style Louis XV, qui est d'ailleurs toujours en place à l'heure actuelle, on accède à la grande salle de réunion, là où les tireurs se rassemblent pour organiser leurs exercices mais aussi diverses festivités.

Car lorsque les armes sont rangées, la place devient le théâtre de nombreuses fêtes populaires, comme la Bénichon, à l'époque intitulée "Bénission", qui rencontrait déjà un joli succès. L'occasion pour le tenancier de vider les fûts et d'en faire profiter tout le peuple de Fribourg. La maison de tir gardera sa fonction jusqu'au terme du 19e siècle.

Grand-Places en 1606, d’après Martin Martini - ©Service des biens culturels, Etat de Fribourg, Jacques Thévoz

Résister coûte que coûte

En 1903, la cité devient trop peuplée pour que l'on continue à tirer aussi proche des habitations. La maison de tir n'ayant plus grande utilité, la ville la rachète pour en faire une auberge communale. Elle est alors confiée à divers tenanciers au fil des années. 

Mais dans les années 70 et 80, son existence est remise en question. Avec la construction de l'Eurotel et la modernisation, le Café des Grand-Places risque plusieurs fois la démolition. En 1981, le groupe "Bistro", réunissant une poignée de défenseurs de lieux de vie à Fribourg, part en guerre pour la sauvegarde de la bâtisse. Il est notamment question d'empêcher que la construction des nouveaux bâtiments de l'UBS ne gangrène une partie non-négligeable de la place. Un combat dont le groupe sortira victorieux.

Parenthèse irlandaise

En 1999, le jeune Vincent McBreen, venu tout droit de l'île verte, pose le pied en Suisse, d'abord à Bâle, puis à Fribourg. Rapidement, il est embauché dans un lieu aujourd'hui bien connu des Fribourgeois: Le Paddy Reilly's, pub irlandais ayant trouvé refuge au sein de l'ancienne maison de tir en 1997. Il s'occupera de l'établissement jusqu'à sa fermeture, l'an dernier. "Au début, il y avait beaucoup de musique traditionnelle irlandaise en live, ainsi que d'autres genres de musique, y compris quelques très bons groupes suisses. Ensuite, la scène DJ a pris le dessus."

Une aventure qui durera 25 ans. Lorsque le Paddy's Reilly ferme ses portes le 27 septembre 2022, pour des raisons que Vincent McBreen n'aura pas connaissance, il doit non seulement quitter la maison, mais aussi son équipe, ses "lovely staff members", ainsi que sa clientèle bien-aimée. "On a senti que c'était la fin d'une époque. Je rencontre beaucoup de clients réguliers qui sont encore très tristes."

Boucler la boucle

Aujourd'hui, après des siècles d'activité, la maison, propriété de la ville, change une nouvelle fois d'enseigne. Comme pour honorer son histoire, le nouveau propriétaire Gilles Ancion a décidé de nommer sobrement son établissement le "Café des Grand-Places". L'inauguration a eu lieu ce vendredi.

Toujours là, comme une anomalie au milieu de la modernité, le Café des Grand-Places semble toujours se moquer des transformations des modes et des époques. Un vestige du passé au milieu du béton. 

Le Café des Grand-Places le 23 juin 2023 - © Frapp

Frapp - Dimitri Faravel
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