De la pouponnière à une grande carrière

L'entrepreneuse Nathalie Brodard veut donner du courage à ceux qui galèrent et rendre hommage aux bonnes fées qui l'ont en partie élevée.

La petite Nathalie a vécu de son premier à son 7ème anniversaire à la pouponnière © Le Bosquet

Le déterminisme, ça n'existe pas pour Nathalie Brodard. A la tête de deux sociétés dans le domaine des ressources humaines et d'une association à but non lucratif, l'entrepreneuse est aussi conférencière. Une hyperactive donc, à qui rien ne semble résister. Pourtant, quand elle voit le jour dans les années 70, l'avenir ne s'annonce pas forcément rose pour la petite fille, fribourgeoise par sa mère, algérienne par son père.

Ses parents, très jeunes, se séparent rapidement et la maman de Nathalie ne parvient pas à assumer seule sa fille. Elle la place dès sa première année dans la pouponnière du Bosquet à Givisiez. Un lieu tenu par des religieuses, les Soeurs de Nevers. Et contre toute attente, elle va vivre là les plus belles années de son enfance.

"Tu n'as pas changé"

"Je me souviens des petits déjeuners, des grandes balades dans la forêt, de chants, d'activités artistiques. On avait la sensation que cette maison, ce château, nous appartenait", se souvient la quadragénaire, installée dans le grand jardin de l'ancienne pouponnière. Elle vient de revoir Soeur Irène qui vit toujours ici. Des retrouvailles chaleureuses, pleines d'émotion.

"Tu n'as pas changé, lance Nathalie à la religieuse qui éclate de rire. Soeur Irène attendait cette visite avec fébrilité. Elle a retrouvé quelques trésors: un ancien prospectus de l'institution où l'on voit une Nathalie dormant paisiblement - en fait, elle faisait semblant - une assiette ornée d'une autre photo de la petite fille, l'air espiègle. En partageant un café et quelques biscuits dans la cuisine, les deux femmes évoquent des souvenirs, des anciens camarades, les autres religieuses que Nathalie a connues et le magnifique jardin qui s'étale devant nous. "C'était plus beau avant, remarque Nathalie, plus sauvage!"

"Elle était très curieuse"

La petite fille a fortement marqué la religieuse, plus que d'autres enfants. "Elle était très curieuse, très tendre et très sensible, se remémore-t-elle. Elle voulait tout essayer et surtout arriver à faire seule". Nathalie elle, se rappelle que les Soeurs riaient beaucoup, étaient très ouvertes d'esprit, prêtes à répondre à toutes les questions avec bienveillance... Et qu'elles avaient une 2 chevaux "qui finissait le portrait!" rigole Nathalie.

Cette période un peu magique va toutefois prendre fin quand Nathalie atteint ses 7 ans. Elle retourne chez sa mère avec son frère et sa soeur. Les années qui suivent sont faites de hauts et de bas. Avec toutefois une belle rencontre, celle de Geneviève, éducatrice spécialisée qui s'occupe de son frère et de sa soeur. Elle habite dans les Franches-Montagnes et y accueillera Nathalie. Cette dernière se prend alors de passion pour les chevaux et découvre aussi le monde des arts.

Un instinct pour le recrutement

Vers 16 ou 17 ans, la jeune fille quitte définitivement le foyer familial. Elle est sans ressources et sans toit, mais le Père Bugnon, un prêtre qui la connait depuis son enfance, lui propose de vivre un an en internat à l'Institut privé Florimont à Genève, le temps de passer sa maturité.

Pas question ensuite de demander une bourse pour poursuivre ses études, elle veut entrer dans le monde du travail et "sortir de la médiocrité", comme elle le dit elle-même. Mais c'est une période de galère qui commence, faite de petits boulots comme hôtesse de bar, vendeuse de Tribolos ou d'aspirateurs, ou encore employée dans une sombre boutique d'articles chinois, "Une véritable grotte", ironise Nathalie. Mais c'est là qu'elle fait une nouvelle rencontre providentielle, celle d'une jeune femme dont le patron, à la tête d'une agence de recrutement, cherche lui aussi du monde.

Le boss en question trouve Nathalie beaucoup trop jeune et ne veut pas d'une femme. "J'ai dit que je pouvais déplacer des montagnes, je pense que j'ai du être assez convaincante, rigole-t-elle, parce qu'il m'a quand même engagée!". Nathalie se découvre un don: être capable de déceler le talent chez les autres. "Quand on a vécu ce que j'ai vécu, on développe un sens de la survie et la capacité de sentir les gens". Et puis Nathalie apprend aussi à apprécier ses origines métissées, grâce à Suzy, une espagnole, qui lui fait prendre conscience de sa beauté et de sa féminité.

Deux entreprises et une association

Après son engagement réussi dans une première entreprise de recrutement, Nathalie fera ensuite d'autres expériences professionnelles enrichissantes, notamment dans une banque à Genève puis à Londres. Elle aura aussi l'opportunité de travailler pour une agence de communication, chassera des talents dans le monde entier et en profitera aussi pour développer son réseau. L'idée de créer à son tour sa propre entreprise fait son chemin. "Avec toute cette énergie et cette passion que je mettais dans mon travail, soit je travaillais pour une association caritative, soit je devenais ma propre patronne!"

Et dans le secteur du recrutement, elle estime qu'il y a de gros progrès à faire pour mettre en adéquation profils et besoins. Ce sera donc son créneau ! Sa première société Brodard Executive Search voit le jour en 2009 et la 2ème, Brodiance, en 2015. Mais ça ne suffit pas à  cette bosseuse acharnée. Elle crée quelques années plus tard "Hire me, I'm Fabulous", autrement dit "Engagez-moi, je suis fabuleux.se". Le principe: mettre en contact seniors et millenials pour qu'ils partagent leurs expériences et trouvent plus facilement un job. Avec cette démarche altruiste, Nathalie a en effet envie de rendre un peu de ce qu'elle a reçu.

Et puis plus récemment, mais toujours dans cette optique d'aider, la quadragénaire a décidé de partager son histoire sur le réseau professionnel Linkedin. Un post qui a suscité beaucoup de réactions et encouragé l'entrepreneuse a parler plus largement de son parcours. Son objectif: redonner de l'espoir à ceux qui sont dans la galère et encourager aussi les femmes à se lancer dans une carrière et dans l'entrepreneuriat "Même si on vend des Tribolos, qu'on connaît des moments down parce que quelque chose se passe mal avec sa famille, relève-t-elle, la vie est longue et ces moments-là ne sont que passagers. ça nous permet aussi de grandir. Je suis contente de mon parcours, je referais tout pareil!"

RadioFr. - Sarah Camporini
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