"Ici, on aurait pu avoir un deuxième enfant"

Des familles fribourgeoises racontent leur parcours pour recourir au don d'ovules. Mardi, la Suisse a fait un pas vers la légalisation.

Cyril Gaston et sa femme Claudia Santos ont renoncé à avoir un deuxième enfant. Trop chronophage. © RadioFr.

La Fribourgeoise Carole Debonneville, enceinte d'une petite fille dont l'accouchement est prévu pour décembre, est partie avec son conjoint en République Tchèque pour avoir accès au don d'ovules. Cette démarche, un véritable saut dans l'inconnu, aura coûté au couple pas moins de 20'000 francs, ainsi que beaucoup d'années de patience et de solitude. Un prix qui s'est également ressenti dans leur cadre social et privé: "on a fait beaucoup de concessions sur nos sorties ou nos loisirs pour pouvoir se permettre de faire un enfant."

Pour elle, beaucoup de doutes et d'incertitudes ont plané tout au long de l'entreprise. "Si j'en avais eu la possibilité, je l'aurais fait en Suisse, sans même me poser la question. J'ai senti une grande injustice quant au fait que je n'avais pas accès à cette pratique dans mon pays."

De l'argent et des concessions

Carole Debonneville n'est pas la seule à être ravie de cette décision: Claudia Santos, qui souffre elle aussi d'infertilité, estime qu'il était grand temps de mettre fin à cette discrimination. "Je trouve que c'est sexiste, on pourrait très bien légaliser le don d'ovules tout en mettant des barrières pour éviter certains problèmes", estimait-elle avant l'annonce de Berne.

Accompagnée de son mari, elle s'est rendue au Portugal à trois reprises pour finalement pouvoir donner naissance à son garçon, âgé aujourd'hui de 5 ans et demi. "Il faut mettre des priorités dans la vie, économiser... ça prend du temps, c'est beaucoup d'argent et toute la vie tourne autour de ça", déplore Claudia Santos. En tout, le couple a dû débourser plusieurs dizaines de milliers de francs pour réaliser son souhait.

Première étape franchie en Suisse

Ce mardi matin encore, la Suisse figurait toujours parmi les deux derniers pays européens à ne pas autoriser cette manœuvre aux côtés de l'Allemagne. Mais le Conseil des États a décidé d'abandonner son voisin en confirmant la décision prise par le Conseil National en début d'année.

Par 22 voix contre 20, la Chambre des cantons a accepté ce mardi une motion en ce sens. Seuls les couples dont les femmes sont infertiles pourront avoir accès aux dons d'ovules. La gestation pour autrui est exclue.

Beaucoup de questions ouvertes

Mais la proposition a rencontré une forte opposition. Isabelle Chassot (C/FR) a plaidé pour attendre l'évaluation sur la loi sur la procréation médicalement assistée avant de décider du principe du don d'ovules. Il y a plein d'aspects éthiques sensibles à examiner.

Elle a mentionné la limite d'âge de la receveuse, l'accès à des bases de données pour le choix de la donneuse et le principe de la gratuité du don. Andrea Gmür-Schönenberger (C/LU) craint elle une exploitation des donneuses.

Rapport dans quelques mois

Le Conseil fédéral était aussi opposé au texte. Le ministre de la santé Alain Berset a cité plusieurs points à résoudre, comme de savoir qui peut recourir au don d'ovules, quels droits à donner aux donneuses, la nécessité d'un registre de donneuses, le droit des enfants à connaître leur ascendance génétique.

En vain. La motion a passé malgré un vote groupé du Centre et de l'UDC.

ATS / RadioFr. - Mehdi Piccand / Adaptation web: Rémi Alt
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