Ecriture inclusive: moins on connaît, moins on aime
Un groupe de l'Université de Fribourg a mené une étude pour mieux comprendre les réticences autour de l'écriture inclusive.

Que ce soit sur la scène politique, dans le champ médiatique ou même dans le cadre de l'éducation, la question de l'écriture inclusive divise. Une équipe de chercheuses et chercheurs en psycholinguistique de l'Université de Fribourg s'est penchée sur cette polarisation avec une question en tête: comment expliquer la réticence autour de cet outil de langue?
"On pense souvent que cette pratique se résume à utiliser des doublets ou mettre des points médians, remarque Tania Sauteur, étudiante en master à l'Université de Fribourg et première autrice de l'étude récemment publiée. Mais ce n'est qu'une partie des procédés qui existent." L'écriture inclusive est un ensemble de moyens linguistiques visant à "démasculiniser" la langue française, pour la rendre plus neutre.
Peu de recherches scientifiques ont mis en avant les racines de cette polarisation dans le débat autour de son utilisation. L'Université de Fribourg a pu démontrer que cette réticence face à l'écriture inclusive est en grande partie liée à la méconnaissance de son fonctionnement, de son histoire et de son rôle sociétal, ainsi qu'aux différentes sensibilités politiques.
Linguistique, histoire et politique
L'étude a été menée auprès de 252 personnes. Les psycholinguistes ont d'abord mesuré des scores de connaissances linguistiques, en posant des questions sur les outils de l'écriture inclusive, comme les points médians, les termes épicènes ou les différents types de neutralisation.
Ils se sont ensuite intéressés à la dimension historique. "Peu de personnes savent qu'il y a eu différentes vagues de masculinisation de la langue au cours des derniers siècles", note Tania Sauteur. Souvent perçu à tort comme un néologisme, le terme "autrice", par exemple, était déjà utilisé au 17e siècle, mais sera rapidement condamné par l'Académie française. Celle-ci est revenue sur cette décision en 2019, réhabilitant le terme comme le féminin d'"auteur".
Les dernières questions portaient sur l'aspect politique de l'écriture inclusive. "C'est-à-dire à quel point une personne considère que la langue répond à des injonctions politiques", poursuit Tania Sauteur.
Une question d'habitude
Les résultats confirment ainsi que plus une personne a de connaissances linguistiques et historiques de l'écriture inclusive, plus elle aura une attitude positive par rapport à cet outil. Il y a une notion de temps et d'habitude, observe Tania Sauteur. "Lorsqu'on est fréquemment confronté à cette écriture, même de manière inconsciente, on sera moins opposé à son utilisation."
Le positionnement politique joue, lui aussi, un rôle dans l'attitude vis-à-vis de l'écriture inclusive. Selon l'étude, les personnes positionnées à droite ont tendance à moins connaître cette pratique et donc, à y être plus souvent opposées.
Un débat à travers les siècles
Pour l'autrice, cette étude met ainsi en évidence l'importance de sensibiliser la population sur la question. "C'est une piste qui s'ouvre, tant au niveau de l'éducation, qu'au niveau de la formation professionnelle. Il existe aujourd'hui des conférences, des livres, des podcasts et des spécialistes pour familiariser les personnes avec cette pratique."
Elle rappelle finalement que les polémiques autour de l'écriture inclusive ne datent pas d'aujourd'hui, l'Académie française, par exemple, s'y étant fermement opposée à de maintes reprises. "On le voit à travers de nombreux termes, comme "autrice" ou "professeuse", que l'on retrouve pourtant dans des écrits de l'Antiquité jusqu'à la Renaissance."


