"Les Suisses n'acceptent rien"

Spécialiste dans la transition énergétique, l'ingénieur Marc Muller évoque les défis qui attendent notre pays. Interview.

L'ingénieur Marc Muller est suivi par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. © RadioFr.

Marc Muller tire régulièrement la sonnette d'alarme pour une transition vers les énergies durables. Pour commencer, il ne craint pas de critiquer le système de formation. "Dans le canton de Fribourg, on a un peu près 1500 jeunes qui entrent au gymnase chaque année, près de 450 jeunes vont faire employé de commerce et on a en moyenne 3 ferblantiers par année, alors qu'il y a une dizaine de milliers de toitures à assainir et à couvrir de panneaux solaires."

Des déclarations saisissantes comme celle-ci, Marc Muller peut vous en sortir pléthore. Sur les réseaux sociaux, où il est suivi par des milliers de personnes, ses conseils et ses coups de gueule font mouche. A l'écran, il co-réalise en 2020 "A contresens", un documentaire sur les voitures électriques. A la ville, sa société Impact Living, spécialiste de la transition énergétique dans le bâtiment et la mobilité, ne cesse de recevoir des demandes de clients soucieux de réduire leur empreinte carbone.

L'enjeu climatique résonne aussi auprès de la population. La preuve, l'ingénieur né à Lausanne mais qui habite désormais Fribourg a été élu 4e personnalité vaudoise de l'année 2022, selon un classement réalisé par le journal 24 Heures.

Et Marc Muller n'hésite pas à nous mettre face à nos contradictions. "Quand c'est devant chez nous, on fait des oppositions. Globalement, les Suisses n'acceptent rien aujourd'hui. Rehausser un barrage, c'est plus de 27 ans de procédure, avoir un parc éolien, c'est 20 ans. On a des oppositions massives de la population, qui en même temps veut voyager de plus en plus en avion, consommer de plus en plus, augmente sa mobilité chaque année et n'accepte pas du tout les conséquences de ses choix de vie."

La disparition de l'épicéa, une menace

Retour des industries polluantes ou réouverture de mines en Suisse et en Europe, manque de pétrole ou réduction drastique des voyages en avion, Marc Muller explique que beaucoup de choses vont changer à l'avenir en Suisse en raison du réchauffement climatique.

L'ingénieur et vulgarisateur prend un autre exemple saisissant: la disparition tendancielle de l'épicéa, un véritable défi pour l'industrie du bois et le secteur de la charpente qui en utilise massivement. "L'épicéa est très sensible au changement climatique et aux périodes de sécheresse. Dans les 20 prochaines années, il aura donc globalement tendance à disparaître de la plaine et même des basses montagnes. Peut-être que dans 30 ans, il n'y aura plus d'épicéa."

Reconstruire la Suisse

Alors que faire face à tous ses défis titanesques? "Tout reconstruire", répond simplement Marc Muller. Infrastructures, bâtiments ou agriculture, tous les secteurs sont à réinventer. "Le geste de consommation, c'est très important, mais c'est beaucoup plus important de se dire "je vais choisir le bon métier" pour essayer de reconstruire la Suisse."

Pour Marc Muller, il faudra aussi changer notre système de valeurs, notre vision de la réussite. "Aujourd'hui encore, pratiquement à chaque repas de famille, vous avez quelqu'un qui vient vous raconter le dernier voyage qu'il a fait à l'autre bout du monde et tout le monde dit que c'est fantastique. Tant qu'on n'aura pas changé ça, ce sera difficile."

RadioFr. - Loïc Schorderet
...