Etat des lieux sévère des économistes
Un déplacement officiel à Washington "pour rien", de la "brutalité politique": les économistes ont dressé un état des lieux sévère de la situation à laquelle se trouve confrontée la Suisse, après l'entrée en vigueur jeudi de droits de douane de 39% .

"Trump continue de façonner le monde à son goût", constate Ipek Ozkardeskaya de Swissquote. L'analyste de la banque vaudoise rappelle que Marco Rubio, le secrétaire d'Etat américain, s'était contenté mercredi de recevoir "gentiment" la délégation suisse, composée de la président de la Confédération Karin Keller-Sutter et du ministre de l'Economie Guy Parmelin. Mais cet échange n'a pas abouti à une inflexion de la Maison Blanche sur les droits de douane.
La conseillère fédérale avait pour sa part indiqué mercredi, au sortir de la réunion avec M. Rubio, qu'il y avait eu une "très bonne rencontre, un échange très amical et ouvert sur les enjeux communs".
D'éventuelles nouvelles discussions ne vont cependant pas effacer les craintes quant à des taxes astronomiques de 150% à 250% sur les médicaments brandies par le locataire de la Maison Blanche. "Comme une seule personne décide de tout en fonction de ses désidératas - et que personne ne peut l'arrêter - l'incertitude et le manque de visibilité va rester au menu pour plusieurs années", avertit Mme Ozkardeskaya.
"Le déplacement des conseillers fédéraux à Washington n'a servi à rien", résume pour sa part l'économiste de la banque Migros, Santosh Brivio. Selon ce dernier, "la volonté de négociation de l'administration Trump est faible". Ces taxes, "historiquement élevées", vont avoir des effets négatifs sur le marché du travail et peser à hauteur de 0,5% sur le produit intérieur brut (PIB). En ultime recours, le gouvernement fédéral pourrait annoncer des mesures de soutien aux branches concernées.
Risque de récession "technique"
"C'est un refus catégorique du côté américain, motivé exclusivement par l'obsession de Donald Trump pour le déficit commercial", souligne John Plassard, responsable de la stratégie d'investissement à Cité Gestion.
"La Suisse hérite finalement du tarif le plus élevé appliqué à un pays développé. Montres, capsules de café, dispositifs médicaux: tout y passe, sauf la pharma et l'or pour l'instant". Pour M. Plassard, la Suisse "découvre une brutalité politique à laquelle elle n'était pas préparée" et qui pourrait fragiliser une croissance économique déjà modeste.
Pour l'économiste d'UBS, Maxime Botteron, les taxes définitives pourraient être plus faibles que les 39% entrés en vigueur jeudi matin. Dans l'immédiat, les effets des droits de douane devraient restés limités car des domaines importants pour les exportateurs suisses comme le secteur pharmaceutique et l'or sont exonérés de ces nouvelles taxes. Si ces dernières devaient rester élevées, l'expert de la banque aux trois clés anticipe une croissance négative sur deux trimestres, ce qui correspond à une récession technique, mais pas à un recul économique prolongé.
Face à cette situation exceptionnelle, la Banque nationale suisse (BNS) devrait laisser son taux directeur inchangé à 0% lors de sa réunion de mi-septembre, estime M. Botteron. Elle ne devrait intervenir sur le marché des changes que si le franc se trouve sous pression.