"C’est impossible de ne pas aimer la physique"

Auteur d’une dizaine d’ouvrages, Fabrizio Bucella est docteur en physique et professeur à l’Université libre de Bruxelles. Chroniqueur et vulgarisateur, le Belge est aussi très actif sur les réseaux sociaux. Il est passé par Fribourg cette semaine pour deux conférences: une à l’Université, intitulée "7 choses à savoir avant de mourir", et une à l’occasion des 10 ans du TEDx.

Radio Fribourg: L’une de vos spécificités, c’est votre activité sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir choisi ce moyen de communication ?

Fabrizio Bucella: En vérité, c’est une idée de mes étudiants, il y a deux ans, donc c’est très récent. Ils m’ont dit : "Monsieur, pourquoi vous ne feriez pas des vidéos?" J’ai répondu que pour moi, c'était surfait, un truc de jeunes. Et puis finalement, je me suis dit que je ne voulais pas me faire avoir par les jeunes et que la vieille génération a encore des choses à montrer. J’ai fait une première vidéo, qui était pourrie, ensuite petit à petit, elles devenaient de moins en moins pourries. Une a eu du succès et c’est parti de là !

C’est sexy de parler de physique?

Je ne suis pas certain que ce soit très sexy. Les réseaux sociaux privilégient l’image. Vous avez un prof chauve avec une cravate qui parle de physique, et qui réussit à intéresser les jeunes, je trouve que c’est quand même une performance, sans vouloir me jeter des fleurs (rires).

Alors parlons de physique. C’est quoi la physique?

Ça, c’est une belle question! À l’époque de Galilée, elle était appelée la philosophie de la nature. Et c’est toujours d’ailleurs le terme consacré dans certaines universités anglo-saxonnes, comme en Angleterre ou en Amérique du Nord. Et moi, j’adore ce terme. C’est expliquer comment fonctionne la nature. C’est la science de la nature.

Vous parlez de Galilée. Ça sert encore à quelque chose d’étudier la physique aujourd’hui?

On découvre encore plein de choses aujourd’hui. Des choses qui éclairent les paradoxes et les problèmes du passé, ou des choses totalement nouvelles qu’on ne connaissait pas. C’est tout à fait incroyable, ce n’est pas une science morte; au contraire, elle est clairement en mouvement.

Un truc que je n’ai jamais compris: la physique quantique.

C’est tout à fait normal parce que personne ne la comprend. Je ne la comprends pas, vous ne la comprenez pas, mes étudiants ne la comprennent pas. Elle est relativement impossible à comprendre puisqu’elle suit une autre logique que la physique "classique". Il est aussi possible qu’on ne la comprenne pas parce qu’il nous manque des clés d’explication. C’est même faire preuve d’intelligence que d’avouer ne pas la comprendre.

Comment vous convainquez les gens que la physique est cool?

La physique, c’est cool, parce que ça explique comment fonctionnent les choses. Ça explique comment trouver la trajectoire d’un ballon de football. Ça explique comment fonctionne un trou noir au centre de la galaxie. Et ça explique la structure de la matière, les atomes, les noyaux et même les quarks à l’intérieur des nucléons. En fonction des centres d’intérêt, on trouvera toujours son bonheur. Ça peut être la dynamique d’un penalty au match de foot. Ça peut être la dynamique d’un puck sur la glace de Gottéron. Donc c’est juste impossible de ne pas aimer la physique, ça, c’est interdit par la nature (rires).

Maintenant, on va avoir besoin de votre expertise. Je vais vous poser des questions et je voudrais juste que vous m’expliquiez quelle est la loi qui régit le phénomène. Pourquoi un caillou, ça ricoche, et pas une saucisse?

Le caillou qui arrive à ricocher sur l’eau est un phénomène qui a été étudié. L’idée est de faire tourner votre caillou, qui a plus ou moins une forme de patatoïde sphérique, et ce mouvement gyroscopique va stabiliser sa trajectoire, ce qui va lui permettre, si vous avez le bon angle, qu’il puisse arriver à plat sur l’eau et rebondir plusieurs fois. Votre saucisse, par contre, ce n’est pas évident de lui donner ce mouvement gyroscopique. Le caillou utilise en vérité le même principe que le vélo: il reste stable dans sa trajectoire parce qu’il tourne. C’est pour cela que le choix du caillou quand vous faites des ricochets est extrêmement important: il doit avoir une symétrie, ou en tout cas ne pas être trop difforme, pour pouvoir respecter ce mouvement gyroscopique.

Et ma dernière question: est-ce que si on crie, le son va plus vite ?

Le fait de crier, c’est une question d’intensité du son, d’amplitude de l’onde. Mais la vitesse du son, c’est-à-dire la vitesse de propagation de l’onde, celle-là est fixe dans l’air, à plus ou moins 340 mètres par seconde. C’est pour cela, d’ailleurs, que si vous êtes dans un orage et que vous voyez l’éclair, vous pouvez compter les secondes jusqu’au tonnerre. Par exemple, si vous avez compté 3 secondes, cela fait 3 fois 340 mètres, donc plus de 1000 mètres. Cela signifie que le centre de l’orage se trouve à peu près à 1 km.