Isabelle Chassot: "C'est un travail assez solitaire"

La centriste fribourgeoise a mené l'enquête parlementaire sur la chute de Credit Suisse. Elle revient sur 18 mois de travaux.

La conseillère aux Etats (Le Centre) Isabelle Chassot a présenté le fruit d'un an et demi d'enquête sur Credit Suisse le 20 décembre dernier. © La Télé

La Télé: Isabelle Chassot, vous êtes la présidente de la commission d'enquête parlementaire, une fonction que vous avez occupée pendant plus d'une année et demie. Comment résumeriez-vous cette expérience? 

Isabelle Chassot: Passionnante et fatigante.

Pourquoi?

Passionnante parce qu'une commission d'enquête parlementaire, ce n'est évidemment pas courant. C'était la première depuis plus de 30 ans. Passionnante aussi parce qu'on a un regard presque unique sur l'activité des autorités dans ce domaine-là. On voit aussi à l'intérieur d'une banque, avec un certain nombre de côtés sur lesquels on pourra revenir. Et éreintante car c'est un très gros travail que vous devez faire seule comme membre de la commission. Vous ne pouvez pas vous reposer sur d'autres personnes, comme c'est le cas de temps en temps pour le travail parlementaire.

Aviez-vous des appréhensions avant d'assumer ce rôle pendant une année et demie?

Oui, j'avais des appréhensions. Je souhaitais être membre de la commission d'enquête parlementaire, je crois l'avoir dit. Je ne pensais pas en être la présidente, ce n'était pas du tout mon vœu, bien au contraire. Et lorsqu'il faut conduire pendant 18 mois les travaux, il a fallu les conduire en allemand pour aller plus vite également. C'était vraiment un double enjeu dans un domaine extrêmement complexe. Une commission d'enquête parlementaire telle qu'on ne l'a encore jamais eue puisqu'elle concernait plus de quatre autorités qu'il fallait en fait un tout petit peu radiographier.

A quoi ressemblait une journée type pendant ces 18 mois?

La journée typique se passait le plus souvent à Berne parce qu'une grande partie des documents étaient confidentiels, ils ne pouvaient pas sortir du Parlement.

Vous ne les aviez qu'en format physique?

Nous les avions qu'en physique, un certain nombre de ces documents. Les autres, nous pouvions les avoir mais elles étaient toujours aussi classées la plupart du temps. Un travail avec un secrétariat dont je souhaite souligner l'excellence du travail. Il y avait la lecture de documents, la préparation de briefings avec le secrétariat, dans des séances avec les autorités concernées, puis les séances de commission, chaque semaine une séance de commission.

Avez-vous lu les 30'000 pages qui vous étaient données?

J'ai participé à la plupart des auditions, quelques-unes d'entre elles, je crois 4, ont été faites par un chargé d'enquête extérieur, mais nous avons eu les procès-verbaux qu'il fallait lire. Je n'ai pas lu l'ensemble des pages parce qu'il y avait parfois de très gros rapports qui nous étaient résumés pour aller à l'essentiel, mais je pense en avoir lu une bonne partie tout de même.

Isabelle Chassot répondait aux médias après les résultats de la commission d'enquête parlementaire, le vendredi 20 décembre 2024 au Palais fédéral à Berne.

Aviez-vous la possibilité de vous appuyer sur des experts, de vous appuyer sur vos membres de la commission?

La plupart des documents sont classés, parfois confidentiels, même classés secrets. Vous avez les décisions du Conseil fédéral, les procès-verbaux des autorités. Vous obtenez des informations de la banque, et je souhaite souligner que l'UBS nous a fourni tous les documents que nous lui avons demandés, elle n'y était pas nécessairement contrainte. Dans ce travail, vous devez faire extrêmement attention, rien ne doit sortir parce que tout ce qui sort pourrait avoir une conséquence non seulement sur l'enquête, mais aussi sur le devenir de la banque. Vous ne pouvez pas discuter avec d'autres personnes que ceux qui siègent dans la commission ou qui sont dans le secrétariat parce que vous êtes tenus par le secret des délibérations également. Ça requiert un travail assez solitaire.

C'est une enquête qui touche des personnes influentes en Suisse. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez été confrontée à des difficultés ou même mise sous pression par certaines de ces personnes?

Personnellement non, je crois qu'on connaît mon caractère indépendant. J'ai aussi été choisie parce que je n'avais pas de lien avec le milieu bancaire. C'est un élément qui était important pour les bureaux des deux conseils qui m'ont désignée. Mais cela veut aussi dire qu'on a senti comme commission une tentative d'imposer des narratifs dans les différentes autorités que ce soit le Conseil fédéral, que ce soit la FINMA, que ce soit la Banque Nationale, que ce soient également les banques. Et on l'a senti tout au long de la période avec des interviews réguliers, des rapports qui étaient publiés. J'avais souci pour le travail dans toute indépendance de la commission. Mais je crois que nous avons pu traverser aussi cette période-là. On a senti à Berne une période plus intense en termes d'intérêt des banques sur le travail politique. 

La Télé - Cloé Pichonnat
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