"Ce sont les images qui viennent à nous"

Le Fribourgeois Laurent Sciboz, champion du monde d'aérostation, publie un livre de photos prises depuis la nacelle. Rencontre.

Laurent Sciboz publie son livre "La Suisse vue du ciel" aux éditions Sept. © Frapp

"La Suisse vue du ciel", c'est dix ans de photographie depuis des ballons à hydrogène réunis dans près de 150 pages. Pour accompagner ces clichés, plusieurs textes, dont un inédit d'un auteur.

Le créateur de ce livre, Laurent Sciboz, que l'on connaît aussi pour être le pilote de l'équipage Fribourg Freiburg Challenge qui a participé plusieurs fois à la Gordon Benett, avait pour objectif d'offrir un point de vue particulier, sans en dire trop. "Les photographies ne sont volontairement pas légendées, pour que les personnes puissent tenter d'identifier le lieu immortalisé."

Depuis l'âge de douze ans, le Fribourgeois se passionne pour la photographie. Un passe-temps qu'il a décidé de combiner avec son autre passion, le vol dans les airs. "Ça permet de voir les choses différemment. Quand on est sur terre, on voit les choses horizontalement. Depuis la nacelle, on les voit en verticales, ce qui change beaucoup le point de vue."

L'envie de partager

C'est le mot phare de ce livre, "partager". Partager avec le plus de monde possible sa passion, partager une vision, des images et surtout une discipline encore trop méconnue dans le canton.

Pour Laurent Sciboz, il s'agit également de partager des connaissances sur la pratique. "En général, on travaille avec de l'hydrogène et du sable, donc l'impact environnemental n'est pas très grand. Les vols sont de très longue durée, environ quatre jours et autant de nuits. Cela permet de prendre énormément de photographies et de faire des longs voyages avec un impact négligeable."

Au hasard

Quand Laurent Sciboz et Nicolas Tièche, son compagnon de vol, prennent leur envol dans leur ballon, ils ne savent jamais où le vent les mènera. "C'est justement tout l'intérêt de l'aérostation, c'est l'inconnu. On ne sait pas où on va, mais on sait qu'on y va", précise le pilote fribourgeois.

Au fil des courants, les deux pilotes se laissent porter, ce qui permet à Laurent Sciboz d'accéder à une démarche photographique particulière. "Ce sont les images qui viennent à nous, on ne choisit pas de faire une image spécifique." Le hasard prend ainsi une place importante dans le recueil du Fribourgeois.

Un point d'ailleurs qui le différencie d'un autre photographe du ciel, Yann Arthus-Bertrand. "Lui cible plutôt des endroits et s'y rend en hélicoptère, notamment. Ici, les photos qui sont prises, c'est la photographie qui arrive à soi."

Changement de perspective

Au fil de leurs nombreuses années de vol, les deux compères ont eu le temps de se confronter à cette vision alternative des paysages. "Le plateau suisse est petit, par rapport à l'ensemble du pays. Il est très intéressant pour la photographie, parce qu'il est très habité. On y voit la frénésie humaine, le développement économique, le trafic de voitures nuit et jour.

J'essaie vraiment de profiter de l'instant présent. Ce n'est pas de l'image morte, je fais en sorte de toujours d'avoir du vivant dedans.

De percevoir des lieux familiers sous un autre angle, c'est aussi ce qui a poussé Laurent Sciboz à partager son expérience. "Fribourg est une des plus jolies villes moyenâgeuses d'Europe et l'une des mieux préservées. C'est une émotion fantastique de la voir différemment."

Dans le silence de l'éther, l'objectif du champion du monde cherche à rendre compte des sensations du vol, mais aussi de la vie qui fourmille sous la nacelle. "J'essaie vraiment de profiter de l'instant présent. Ce n'est pas de l'image morte, je fais en sorte de toujours d'avoir du vivant dedans. C'est quelque chose qu'on ne peut pas retrouver sur Google maps par exemple."

Sortir des pages

Plein d'ambition, Laurent Sciboz cherche déjà un endroit où exposer ses clichés. Cela lui permettrait non seulement de présenter son travail, mais aussi de faire connaître sa passion à plus large échelle, en allant au contact des gens.

Ses projets se jouent aussi dans les nuages. "On a ce projet avec Nicolas Tièche de faire un tout grand ballon, celui de Jules Verne, le Victoria, un ballon de grande envergure." À bord de ce dernier, les deux aventuriers partiraient pour dix jours et dix nuits dans les airs sans s'arrêter.

Si la prouesse est aujourd'hui techniquement réalisable, il y a encore un peu de chemin avant d'y parvenir. "On a l'expérience, on a plusieurs années de compétition, ce qui nous permettrait de réaliser l'apothéose du vol en aérostation. Ce serait le plus grand ballon à hydrogène du monde, quelque chose d'unique. Mais nous cherchons encore des sponsors pour réaliser cela." Comme quoi de la fiction à la réalité, il n'y a qu'un pas, ou plutôt qu'un vol.

Frapp - Rémi Alt
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