Le Bélarus balaie les critiques

La pression allait croissant lundi sur le Bélarus. Le régime de Minsk était accusé de "détournement", "piraterie", voire "terrorisme" par les Occidentaux après l'interception d'un vol commercial la veille qui a conduit à l'arrestation d'un dissident, passager à bord.

L'appareil de Ryanair a été intercepté sur l'ordre personnel du président bélarusse Alexandre Loukachenko. © KEYSTONE

Soumise à une avalanche d'indignation européenne et américaine, cette autoritaire ex-république soviétique a balayé les critiques: elle a assuré avoir agi dans la légalité et promis une "transparence totale".

Réunis en sommet lundi soir et mardi, les dirigeants de l'UE doivent évoquer de "possibles sanctions" contre Minsk. Bruxelles a convoqué l'ambassadeur du Bélarus auprès des institutions européennes. Les ambassadeurs de l'Otan doivent, eux, se réunir mardi.

Soutien de la Russie

Le Bélarus a toutefois reçu le soutien de son principal allié, la Russie. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a jugé que Minsk avait agi de manière "raisonnable" en promettant une "transparence totale". Le Kremlin a lui dit attendre l'avis des "instances internationales".

Dimanche, un chasseur MiG-29 a décollé sur ordre personnel du président Alexandre Loukachenko pour intercepter un avion de Ryanair effectuant la liaison Athènes-Vilnius, capitales de deux pays de l'UE, et qui se trouvait à ce moment-là dans l'espace aérien bélarusse.

Selon les autorités bélarusses, une alerte à la bombe, qui s'est révélée être mensongère, est à l'origine de l'interception de l'appareil. Après un atterrissage à l'aéroport de Minsk et le contrôle de l'appareil, l'avion est reparti pour la Lituanie.

"Enquête impartiale"

Mais entretemps, la police bélarusse a arrêté l'opposant Roman Protassevitch et sa petite amie Sofia Sapéga, qui se trouvaient à bord. Si bien qu'en Occident, on pense que l'ensemble de l'incident a pu être orchestré.

Agé de 26 ans, le jeune homme est l'ancien rédacteur en chef de l'influent média d'opposition bélarusse Nexta, qui a joué un rôle clé dans l'organisation du mouvement de protestation de 2020 contre Alexandre Loukachenko et réprimé depuis par les autorités.

Minsk a assuré lundi avoir informé l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et l'Association internationale du transport aérien (IATA) de sa "disposition à coopérer à une enquête impartiale".

"Piraterie"

Les explications bélarusses n'ont convaincu personne en Europe. Les Etats-Unis ont dénoncé un "détournement forcé" et l'UE a fustigé "une action complètement inacceptable", sur fond de déclarations courroucées de l'Allemagne et du Royaume-Uni. La France a suggéré une "interdiction de l'espace aérien" du Bélarus.

L'Irlande, où est basée Ryanair, a dénoncé un acte de "piraterie" étatique. La Pologne, voisine du Bélarus, a parlé d'"acte de terrorisme d'Etat" et la Lituanie, qui a accordé le statut de réfugié à Roman Protassevitch, a annoncé qu'elle n'autoriserait aucun vol, ni vers ni depuis son territoire, traversant l'espace aérien bélarusse. L'Otan a dénoncé "un incident sérieux et dangereux".

Le patron de Ryanair, Michael O'Leary, a de son côté affirmé que des agents des services de sécurité bélarusses, le KGB, ont pu se trouver à bord de l'appareil. Il a lui aussi dénoncé un acte de "piraterie" soutenu par Minsk. La compagnie scandinave SAS a pour sa part annoncé qu'elle allait éviter l'espace aérien bélarusse.

Les Etats-Unis comme l'UE ont également appelé à la libération de Roman Protassevitch, que Minsk avait ajouté à sa liste de personnes "impliquées dans des activités terroristes".

L'opposante Svetlana Tikhanovskaïa, exilée en Lituanie, a accusé M. Loukachenko d'avoir "utilisé l'armée de l'air contre des civils". "Le temps des déclarations est passé - il est évident que les Bélarusses attendent des actions décisives et une assistance de la communauté internationale", a-t-elle déclaré dans un message vidéo.

"Risque la peine de mort"

Le régime d'Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, a vu son autoritarisme aller croissant depuis la répression d'un mouvement de contestation inédit, qui a vu des dizaines de milliers de personnes défiler dans les rues en 2020. Ce mouvement s'est progressivement essoufflé face à une répression des autorités.

Selon des passagers du vol Ryanair interrogés par l'AFP, Roman Protassevitch "avait très peur" et a dit qu'il "risquait la peine de mort" au Bélarus.

ATS
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