Lettre et visite du Saint-Nicolas, comment bien faire?

En cette période de visite du Saint-Nicolas dans les foyers fribourgeois, nous avons demandé quelques conseils à une éducatrice.

Mélanie Volery accompagne depuis des années des enfants et des parents. elle distille ici quelques conseils. © KEYSTONE / Frapp

Saint-Nicolas va reprendre du service dès cette fin de semaine. Dans beaucoup de familles, sa venue sera accompagnée d’une petite lecture à l’attention de chaque enfant. Un texte concocté par les parents qui se demandent peut-être si celui-ci est bien adapté, entre souvenirs personnels et principes d'éducation positive.

Mélanie Volery, éducatrice de formation et actuellement maîtresse professionnelle et enseignante ES à l'Ecole Santé Sociale de Posieux, nous donne quelques conseils. Celle qui accompagne, à titre indépendant, des familles éprouvant des difficultés dans l'éducation de leurs enfants, revient aussi sur la symbolique de Saint-Nicolas et du Père fouettard.

La manière d’appliquer correctement ses principes est devenue un réel questionnement – voire un réel casse-tête - pour bien des parents.

Frapp: A l’heure de l’éducation positive, est-ce que ces textes relevant les bons et les mauvais points des enfants peuvent être problématiques? 

Je trouve très intéressant de questionner ces textes au regard de l’éducation positive. Je ne pense pas qu'ils soient problématiques, à partir du moment où l’intention des parents reste bienveillante. Il faut garder à l’esprit que Saint-Nicolas fait la lecture de ces textes devant d’autres personnes. L’idée n’est pas d’humilier un enfant devant ses ami.e.s ou sa famille. Par contre, je ne partirais pas non plus dans l’idée qu’il ne faut garder que la partie de félicitations. Le "concept" même de Saint-Nicolas, c’est de mettre en avant la lumière et l’ombre, représentées par lui-même et le Père Fouettard. Nous avons tous ces deux aspects en nous, y compris les enfants. Il faut relever ce qui fonctionne moins bien, non pas pour chagriner l’enfant, mais pour l’inviter à s’améliorer. Il est d’ailleurs intéressant que Saint-Nicolas l'interpelle face à ces points à améliorer, par exemple en lui demandant s’il veut bien essayer de faire mieux, ou différemment, selon les points relevés. Un "pacte" fait avec le Saint peut représenter un engagement sérieux pour un enfant qui croit en lui.

Pensez-vous que la pratique et la rédaction des textes a beaucoup évolué au cours des années?

Je n’ai pas beaucoup de points de comparaison, mais je peux tout à fait imaginer que certains parents n’osent plus mettre autre chose que des félicitations, de peur de brimer – voire traumatiser – leur.s enfant.s. Si cela résulte d’un réel choix, chacun est libre de faire comme il l’entend. Par contre, si c'est la résultante de la peur de traumatiser son enfant, je pense qu’il peut être reconsidéré.

Quelques pistes pour rédiger une "bonne" lecture du Saint-Nicolas

Mélanie Volery distille quelques conseils pour les parents ne sachant peut-être pas encore comment préparer ce texte:

  • Des textes assez courts: Il n’est pas nécessaire de passer en revue toute l’année écoulée, quelques éléments clefs suffisent
  • Uniformiser les différents textes:  lorsque plusieurs amis ou familles se réunissent, il est important d'avoir une ligne commune, ne serait-ce qu'en termes de longueur. Après tout, il en va aussi de la crédibilité de Saint-Nicolas. Réunir les textes en avance est donc une bonne idée.
  • Utiliser la technique dite du "sandwich": un élément positif, un élément à améliorer (avec un engagement de la part de l’enfant), puis à nouveau un élément positif.
  • Encourager à s'améliorer: Pour les éléments négatifs, Mélanie invite les parents à réfléchir à la portée éducative de relever tel ou tel événement. Est-il nécessaire de rappeler à l’enfant la plus grosse bourde qu’il a faite durant l’année? Qui plus est devant tout le monde? Lui faire "payer" une bêtise devant Saint-Nicolas n’est pas recommandé: il en gardera le souvenir humiliant, rien de plus. L’idée est de le pousser à s’améliorer, en lui expliquant ce qui doit changer. Par exemple: Je vois que tu as tendance à souvent répondre à tes parents lorsqu’ils te parlent; ce n’est pas respectueux, j’aimerais que tu fasses un effort sur ce point.
  • Valoriser les efforts des enfants plutôt que les résultats: Ils y trouveront une source de motivation. Pour un enfant qui a de la difficulté à l’école, par exemple, relever les efforts fournis pour y arriver, même si les notes ne sont pas encore à la hauteur de ses ou vos espérances.
  • Mettre l'accent sur les comportements: On évitera les "tu es méchant", "tu es gentil", "tu es maladroit", "tu n’es pas sage", etc. Personne n’aime être catalogué, sans compter que les enfants ont tendance à finir par correspondre à la définition que les adultes font d’eux. Mettre l’accent sur des comportements leur laisse une plus grande liberté et leur permet d’évoluer.

Un texte trop "dur", risque-t-il d'impacter émotionnellement l’enfant? 

Le charisme et le côté mystique de Saint-Nicolas, cet être omniscient qui a observé les enfants toute l’année, peut être très chargé émotionnellement pour eux. Sa simple venue est pour certains et certaines synonyme de peur. Il n’est pas nécessaire d’y ajouter des textes trop durs, car oui, je pense que cela peut impacter négativement les enfants. Peut-être pas sur le long terme, mais pour quelques semaines, voire quelques mois. Je n’en vois pas l’utilité: un enfant effrayé ou humilié n’est pas dans de bonnes dispositions pour modifier un comportement, par exemple.

"L’interprétation" du Saint peut considérablement varier d’une personne à une autre. Là aussi, l’idée n’est pas d’en faire un "grand méchant saint". Du charisme, de l’autorité, de la prestance, oui. De la terreur, non.

Est-ce que la figure du grand Saint-Nicolas et de son père fouettard peut être "problématique" pour les enfants? 

A priori, je dirais non. Certes, l’héritage religieux, avec une dichotomie très marquée entre le bien et le mal et l’attente que les enfants soient de sages moutons aurait besoin d’être un peu dépoussiérée. Mais sur le fond, cette représentation d’une figure de la lumière, protectrice, et d’une figure de l’ombre, effrayante, a toujours du sens.

Il se peut que certains enfants passent quelques mauvaises nuits après la venue du Père fouettard. Mais les peurs et leur gestion font partie des apprentissages normaux que tout enfant doit faire. Il s’agit pour les parents de pouvoir les valider et d’accompagner leurs enfants à travers ces épreuves, dompter sa peur, c’est grandir un peu. C’est trouver des « armes » pour les prochaines, ou pour les moments plus difficiles de la vie. Et il convient de rappeler que dans la légende, si Saint-Nicolas se promène avec le Père Fouettard - qui est en fait le boucher qui a découpé les enfants - ce n’est pas pour le plaisir de faire peur aux enfants, mais bien pour le garder sous ses yeux afin de les protéger. C’est donc la lumière, ou le bien, qui est en position de force, et cela peut rassurer.

La venue du Saint-Nicolas est surtout synonyme d’une grande réjouissance, car il est un personnage très apprécié des enfants.

Frapp - Audrey Raffaelli
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