"On met notre vie entre les mains des autres"

Yannik Maillard a passé la moitié de sa vie à être pompier volontaire à Siviriez. Au moment d'arrêter, il revient sur cet engagement fort.

Cet agriculteur peut être alerté à tout moment par le Centre d'engagement et d'alarme de la Police cantonale, pour des interventions. © RadioFr.

"Cela me fait bizarre après toutes ces années, c'est vrai que je suis ému". Lorsque Yannik Maillard prononce ces mots, sa voix se met à trembler. Le 31 décembre prochain, à 43 ans, cet agriculteur de Siviriez quittera définitivement le corps des sapeurs-pompiers de Glâne-Est (Siviriez-Vuisternens-devant-Romont-Grangettes), après plus de deux décennies d'engagement. Soit quasiment la moitié de sa vie.

Mais il a préféré arrêté cette année pour pouvoir consacrer plus de temps à sa famille - il a deux enfants en bas âge - et à sa ferme - il a notamment une cinquantaine de vaches laitières et repris l'exploitation après le décès de son papa il y a huit ans. Surtout, il a été découragé par la réforme des corps de pompiers du canton qui va entrer en vigueur en 2023.

 Et puis je suis à Siviriez. S'il faut intervenir à Auboranges ou à l'autre bout du territoire, ça fait des kilomètres.

"Cela ne me donne pas envie de commencer quelque chose de nouveau à 43 ans. Et puis je suis à Siviriez. S'il faut intervenir à Auboranges ou à l'autre bout du territoire, ça fait des kilomètres. Cela signifie aussi quitter mon poste de travail sur de plus longues durées. Même si on n'est pas alerté tout le temps, ça devenait trop."

50 degrés et un évanouissement

Yannik Maillard arrête donc là son parcours de soldat du feu volontaire. En 23 ans d'engagement, il a lutté contre des incendies, a apporté son aide lors d'inondations, de tempête ou de pollution de cours d'eau. En moyenne, il réalisait une vingtaine d'interventions chaque année.

A un moment, j'ai appelé quelqu'un pour me remplacer parce que je n'en pouvais plus. Au moment où j'ai lâché la lance, je suis tombé dans les pommes!

Certaines l'ont fortement marqué, comme ce gros feu de ferme à Drognens qui a nécessité quatre jours d'engagement, ou encore l'incendie d'une entreprise de charpente du village. L'habitant de Siviriez se souvient: "On était arrivé tôt le matin. J'ai été seul à tenir la lance pendant près de deux heures. A un moment, j'ai appelé quelqu'un pour me remplacer parce que je n'en pouvais plus. Au moment où j'ai lâché la lance, je suis tombé dans les pommes! A cause de l'effort et de la chaleur, il faisait 50 degrés à côté du bâtiment...."

Une "évidence"

Souvent, après les grosses interventions, Yannik Maillard recevait des messages ou des lettres de remerciement de la part des habitants de la région. Autant de marques de soutien qui lui ont, à chaque fois, fait "chaud au cœur" et l'ont "motivé à continuer". Lui était devenu formateur ces dernières années. Il s'était engagé dans les pompiers dès l'âge de 20 ans.

"Pour moi, c'était presque une évidence. Mon père l'avait fait, mon frère aussi, et j'étais de toute façon dans le village la journée et disponible à toute heure, ou presque. D'ailleurs le capitaine qui m'a engagé à ce moment-là ne m'a quasiment même pas demandé si c'était mon souhait ou non, je devais y aller! Mais c'était normal pour moi."

Aujourd'hui pour ce quadragénaire, quitter les pompiers, c'est aussi quitter des amis, un groupe soudé, où les liens sont particuliers. Très forts. "On ne cherchait pas à être meilleur que les autres, mais il fallait que chacun soit au niveau, parce que si quelqu'un rentrait dans une maison en feu par exemple, il fallait qu'un autre soit bien formé pour assurer son alimentation en eau, confie-t-il. On doit pouvoir compter sur chaque soldat du feu. Et on met régulièrement notre vie entre les mains des autres."

RadioFr. - Maëlle Robert
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