Pierre-Alain Menoud: "Cette jeunesse fait des miracles"

La Fondation "Le Manoir" à Givisiez fête ses 35 ans cette année. Son directeur évoque le quotidien dans un EMS, la solitude et l'avenir.

Entre les résidents et les soignants, "la solitude est double" en EMS, déplore Pierre-Alain Menoud. © KEYSTONE/RadioFr.

Créée en 1990, la fondation fête son 35e anniversaire. Elle administre aujourd'hui une résidence pour personnes âgées comptant 98 lits et 160 collaborateurs, dont près des deux tiers sont des soignants. Radio Fribourg a invité son directeur, Pierre-Alain Menoud, pour parler d'un sujet clé des soins aux seniors: la solitude. 

Radio Fribourg: Dans un EMS, les résidents sont entourés par les soignants, d'autres personnes de leur âge et leur famille, parfois. Peut-on encore parler de solitude des aînés?

Pierre-Alain Menoud: On met tous les moyens nécessaires pour accompagner ces aînés. On a bien sûr des programmes d'animation et d'accompagnement. Mais c'est vrai que certains aînés sont régulièrement visités par leur famille, d'autres un peu moins.

Les aînés se sentent parfois seuls. Et le personnel soignant dans tout ça?

Il est vrai que la solitude est double. On voit parfois, dans certains témoignages d'infirmiers ou sur les réseaux sociaux, des infirmières ou des infirmiers qui se trouvent devant une porte en train de pleurer simplement parce qu'ils ont accompagné une personne en fin de vie. Je dirais que ces personnes-là n'ont pas nécessairement besoin qu'on les écoute, mais qu'elles soient reconnues. Le défi d'un infirmier ou d'une infirmière, c'est d'aimer sans s'attacher, d'aimer sans s'épuiser. Ce n'est pas facile d'arriver à tout concilier.

Certaines hautes écoles peinent à recruter de nouveaux étudiants. Que fait-on pour les générations futures?

Pour les générations futures, il faut trouver du sens. À ce niveau-là, il y a une vision commune qui relie tous les directeurs d'EMS de la Sarine. "Les soignants veulent du temps, les jeunes veulent du sens."

Il faut savoir que, ces cinq dernières années, on a formé 35 personnes à l'EMS du Manoir. On sait aussi qu'avec les nouveaux métiers liés à l'intelligence artificielle, il y aura d'autres professions. Nous avons déjà identifié en interne un groupe de réflexion pour savoir quels métiers apparaîtront.

Ici, à l’EMS du Manoir, nous avons aussi tous ces éléments non médicamenteux, que ce soit la salle Snoezelen (une forme de thérapie dédiée à la stimulation sensorielle), la thérapie de voyage, qui sont reconnus au niveau national. C'est peut-être ainsi qu'on peut donner envie à cette jeunesse.

Quand on pense à l'intelligence artificielle, qui peut aujourd'hui donner des conseils médicaux, on peut avoir l'impression qu'elle va prochainement remplacer l'humain. Dans votre établissement, l'IA pourrait-elle réduire les contacts humains?

Il y a une phrase à ce sujet: "L'IA calcule, le robot exécute, mais seul le cœur humain continuera à consoler." Nous en sommes persuadés. Il y a effectivement une tendance au niveau international et national: on se rend compte que les personnes âgées resteront plus longtemps à domicile et qu'il faudra que ces outils, comme les tablettes compagnons ou la télémédecine à distance, complètent ce qui existe déjà.

Au niveau national, la Suisse s'occupe bien de la personne âgée. Les cantons et les districts aussi. Nous avons la chance d'avoir de beaux bâtiments, en tout cas dans le canton de Fribourg. Donc, à nous de faire preuve d'innovation et de donner envie à toutes les personnes qui travailleront dans le futur.

L'avenir vous semble donc serein dans le milieu de la santé?

On l'a vu avec le covid: tout semblait impossible, mais c’est à ce moment-là qu'il y a eu un ennemi commun, invisible, qu'il y a eu moins d'absentéisme. Je reste persuadé que si un ennemi invisible survient, une mobilisation sera présente. Cette jeunesse fait des miracles, et il faut lui faire confiance.

Écoutez l'entretien en entier:

RadioFr. - Lauriane Schott / Simon Gumy
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