Première bougie pour l'Espace de consommation sécurisé
La présence de l'Espace de consommation sécurisé n'a pas augmenté le deal de rue. Les relations de voisinage sont plutôt sereines.
"Avoir un espace de consommation, c'est bien. Mais il faudrait surtout lutter contre le marché noir." Marco * vient de prendre un produit dans les locaux de l'Espace de consommation sécurisé, l'ECS, géré par le Tremplin. Il a beau être sous l'effet de la drogue, ses propos sont sans ambiguité: l'ECS, c'est bien, mais son emplacement laisse à désirer. Il préférait nettement les anciens locaux de la Fondation, Avenue de l'Europe. "On était entre nous. Là, on est trop visible".
En une année, il n'y a pas eu une seule injection à l'héroïne ici
L'ECS a ouvert ses portes Route des Arsenaux, le 19 août 2024. Les consommateurs viennent avec leurs produits. Ils peuvent les inhaler, les sniffer ou se les injecter dans les deux salles de la structure, avec du matériel propre mis à disposition. En moyenne, 40 actes de consommation ont lieu chaque jour à l'Espace qui pourrait en accueillir plus de 60. L'inhalation est le mode le plus fréquent et la cocaïne, la substance la plus consommée. "En une année", précise Lara Ribeiro, membre de l'équipe d'encadrement, "il n'y a pas eu une seule injection d'héroïne ici."
Quant au profil des bénéficiaires, il est divers. Des hommes en très grande majorité, dont une partie est professionnellement insérée et vient consommer à la pause de midi. D'autres sont isolés, sans famille ni réseau social. Il s'agit essentiellement de personnes de plus de 30 ans. Les jeunes adultes ne fréquentent guère les lieux, comme le souligne Yan Desarzens, directeur du Tremplin.
Pas d'incident majeur
C'est une équipe 100% féminine qui accueille les bénéficiaires, un pur hasard souligne Lara Ribeiro. Mais un hasard visiblement heureux. Leur présence apaise les consommateurs, respectueux du staff et des lieux.
La police cantonale confirme: en une année d'existence de l'ECS, pas de souci particulier à signaler et pas d'augmentation du deal de rue dans le quartier. Un de ses agents officie comme "coordinateur de proximité" et les relations avec le voisinage sont bonnes. Aucune plainte pénale n'a été déposée à ce jour en lien avec l'exploitation de l'ECS.
Pourtant, les craintes étaient grandes. Notamment pour la crèche Pérollino, qui partage le même bâtiment que l'ECS. Selon sa directrice, Marisa Rolle, la cohabitation se passe bien. Elle souligne le travail de sensibilisation accompli par les éducateurs du Tremplin sur la présence de petits enfants et le nettoyage régulièrement fait dans le quartier. Et puis la Fondation a mis en place une permanence téléphonique et en ligne pour les éventuelles doléances des riverains
"Nos peurs n'étaient peut-être pas fondées", reconnait François Baumann, du comité de l'AFCAS, l'Association fribourgeoise du commerce, de l'artisanat et des services. Le dialogue entre les différents acteurs locaux porte visiblement ses fruits.
Un an c'est court, stabilisons déjà la situation actuelle avant d'aller trop vite !
La structure est accessible de 11h à 15h en semaine. La priorité des responsables du Tremplin, c'est une extension de ces horaires, en cohérence avec l'accueil de jour de la Fondation, ouvert lui dès 8h30. La Ville de Fribourg est plutôt favorable, selon la conseillère communale Mirjam Ballmer. En revanche, ça coince du côté de l'AFCAS. "Un an, c'est court, relève François Baumann, stabilisons déjà la situation actuelle avant d'aller trop vite!"
Autre priorité de l'équipe de l'Espace de consommation sécurisé: obtenir un "drug checking", un appareil d'analyse des substances. "Si on propose un lieu sécurisé pour la prise de produits, souligne Lara Ribeiro, il faut être logique et permettre aux bénéficiaires de connaître la qualité des substances qu'ils consomment."
*Prénom fictif
