Parents en galère: trouver un pédiatre en région de campagne

Pas facile de trouver un pédiatre quand on vit dans les zones rurales. Il faut revaloriser la spécialité pour attirer les futurs médecins.

Sans pédiatre, le suivi et la couverture vaccinale des enfants sont parfois lacunaires © Keystone

"Il est très sympa, papa de 6 enfants et il sait de quoi il parle ". Estelle apprécie le pédiatre de son fils, conseillé par une amie. La jeune maman a de la chance. Elle vit à Fribourg, à 10 minutes à pied de chez le praticien qui a accepté sans problème de prendre un nouveau petit patient. 

Toute autre situation pour Lorianne, qui a quitté le Valais pour le canton de Fribourg il y a deux ans. Si elle a trouvé son généraliste sans problème, elle a galéré pour dégotter un pédiatre à sa fille de 10 ans. Après plusieurs appels, elle a finalement obtenu un rendez-vous dans un nouveau centre pédiatrique à Bulle, à plus de 30 minutes de son domicile. 

Seules 18 communes fribourgeoises sur 126 comptent un ou plusieurs pédiatres sur leur territoire, selon le recensement effectué par l'Office fédéral de la santé publique en 2022. Et la plupart exercent dans les agglomérations urbaines. En campagne, en revanche, c'est le désert ou presque. 

Un serpent qui se mord la queue

Stéphanie Goumaz est l'une de ces exceptions. Elle s'est installée il y a 30 ans à Domdidier dans la Broye. Au début, sa patientèle venait même de Gruyère, faute de praticiens à disposition. Si la situation s'est détendue à Bulle avec l'ouverture de plusieurs cabinets pédiatriques, ses consultations ne désemplissent pas. La population fribourgeoise est jeune, souligne-t-elle, avec beaucoup de familles. Face à ces besoins, Stéphanie Goumaz compte exercer encore quelques années, mais elle envisage tout de même la relève.

Et elle fait bien, parce que trouver des jeunes médecins prêts à reprendre le flambeau et s'installer loin des centres urbains est compliqué. Alexandre Pasche a ouvert son cabinet avec une consoeur il y a 3 mois. Un véritable parcours du combattant: "Parfois le serpent se mord la queue, parce qu'on n'a pas fait la première démarche pour faire la 2ème...qui nécessite la première!" ironise le pédiatre. A ces difficultés de départ s'ajoute une charge administrative quotidienne toujours plus lourde. 

Les pédiatres fribourgeois mal lotis

Et tout ça pour un salaire qui n'est pas "folichon" comme le relève Marie Burkhalter Cochard, présidente de la Société des pédiatres fribourgeois. Les pédiatres sont avant-derniers dans le classement des rémunérations des médecins en Suisse. Et les Fribourgeois particulièrement mal lotis avec une tarification inférieure à celle de leurs confrères vaudois, par exemple. Pas de quoi motiver la nouvelle génération de médecins à opter pour cette spécialité et venir s'enterrer" en zone rurale. 

Mais les besoins sont là. Alors, on recourt souvent aux généralistes. Sauf que les enfants ne sont pas des patients adultes en miniature. Ils ont des pathologies particulières, ils doivent être suivis régulièrement pour vérifier leur développement et assurer leur couverture vaccinale. Comme le constate Stéphanie Goumaz, le rôle du pédiatre a évolué. Depuis quelques années, elle s'attelle à soutenir les jeunes parents, parfois angoissés, et essaie de détecter très tôt les problèmes comportementaux des enfants. Il faut dire que la pénurie touche aussi d'autres spécialités, comme les pédopsychiatres. Il faut parfois attendre des mois pour obtenir un rendez-vous. Un délai très, trop long !

Redonner le goût de cette profession

Alors comment sortir de l'impasse et redonner aux futurs médecins l'envie de traiter les plus jeunes? Selon les praticiens que nous avons rencontrés, on pourrait déjà supprimer le numerus clausus, qui empêche des candidats aux qualités plus humaines qu'académiques de franchir l'obstacle. Et puis la pression sur les médecins assistants est trop forte, au point de les dégoûter de la profession à l'amorce de leur carrière. Il faut aussi revaloriser financièrement la spécialité et alléger la charge administrative qui pèse sur les médecins. Pour qu'ils puissent au final faire ce qu'ils font le mieux: soigner les enfants !

RadioFr. - Sarah Camporini
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