L'orchestre de Bulle et l'Ukraine en pièce de résistance

Privés de musiciens par la mobilisation, des danseurs ukrainiens se sont associés à l'orchestre de Bulle pour monter un spectacle dans un temps record.

Le chef de l'orchestre bullois Olivier Murith (gauche) et Viktor Boiko, de la troupe ukrainienne Radist (droite) ont pu mener une seule répétition ensemble. © RFI

Sur la scène des Rencontres de folklore internationales de Fribourg (RFI), la magie opère. Les danseurs ukrainiens de l'ensemble Radist, originaires de Vinnytsia, ne se produisent pas avec des musiciens ukrainiens. C'est l'Orchestre de la Ville de Bulle, dirigé par Olivier Murith, qui interprète les rythmes complexes et changeants du folklore ukrainien.

Une collaboration née d'un concours de circonstances tragique: à l'origine, l'ensemble Radist devait venir à Fribourg avec ses propres musiciens. Mais la guerre en Ukraine en a décidé autrement. "Les hommes ne peuvent pas quitter le pays", regrette Viktor Boiko, directeur de Radist. C'est Lauriane Zosso, directrice artistique des RFI, qui a eu l'idée de proposer à l'Orchestre de la Ville de Bulle de relever le défi.

1600 kilomètres entre eux

"Nous avons accepté presque tout de suite", explique Olivier Murith, directeur musical de l'orchestre bullois. Mais avec une question en tête: Comment préparer un spectacle commun quand les artistes sont séparés par des milliers de kilomètres? Viktor Boiko lui-même n'y croyait pas. "Honnêtement, nous ne pensions même pas que c'était possible", avoue-t-il. "Nos danses sont très compliquées, avec des changements constants de rythme et de tempo." Le travail s'est donc organisé à distance.

En décembre 2024, Viktor Boiko trouve un arrangeur et les partitions sont envoyées en janvier à l'Orchestre de la Ville de Bulle, qui a commencé à travailler sur cette musique folklorique, très éloignée de son répertoire classique habituel. "C'est une musique vive, rapide, avec beaucoup de variations", analyse Olivier Murith. Les partitions, en particulier les mélodies, ont dû être quelque peu retravaillées, pour s'adapter à l'ensemble bullois, qui s'est lui-même associé avec des musiciens de la Farandole de Courtepin et de la Landwehr. Une fois les pièces maîtrisées, l'orchestre a réalisé un enregistrement. "Nous avons envoyé notre version en Ukraine, et ils se sont entraînés dessus", précise le chef d'orchestre. Les échanges ont continué ainsi durant quelques mois.

Les danseurs ne sont arrivés que samedi, soit la veille de la première représentation, ne laissant place qu'à une unique répétition commune et un filage rapide le dimanche matin, explique Olivier Murith avant la première représentation qui a eu lieu mardi soir à Saint-Léonard. Un temps record pour synchroniser deux ensembles qui ne s'étaient jamais vus.

Monter sur scène pour résister

Malgré les doutes, le résultat a dépassé toutes les espérances. "Nous sommes vraiment impressionnés par l'excellence des musiciens de l'orchestre", s'enthousiasme Viktor Boiko. "Ils arrivent à jouer de manière très professionnelle. Travailler avec eux, c'est toujours bon." En guise de remerciements, Radist a même offert une chemise traditionnelle ukrainienne faite à la main sur mesure à chaque participant, avec une petite particularité: des drapeaux suisses cachés dans les motifs floraux typiques de ces vêtements.

Les chemises traditionnelles ukrainiennes offertes aux musiciens fribourgeois (image: Alexandre Goumaz)

Au-delà de la performance artistique, cette collaboration porte un message puissant. Pour l'ensemble Radist, se produire sur scène est une manière de résister. "Vu la situation compliquée en Ukraine, nous essayons de montrer que notre culture existe, qu'elle est très importante, intéressante, et différente de la culture russe", affirme Viktor Boiko. "À travers tous les problèmes, nous arrivons à montrer que nous sommes là et que nous allons de l'avant."

Interrogé sur l'avenir, Viktor Boiko espère que "la collaboration avec l'Orchestre de Bulle pourra continuer." Le public peut découvrir cette collaboration aux RFI, encore vendredi et dimanche pour le spectacle de clôture. Plus d'informations sur le programme 

Frapp - Mattia Pillonel
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