Une 2e vie pour les déchets de la filière du bois du canton?
La Haute école d'ingénierie et d'architecture de Fribourg a participé à un projet innovant qui sera présenté au Salon Bois à Bulle samedi.
Valoriser les déchets ou des sous-produits de l'industrie du bois en les transformant en une sorte de charbon actif qui traitera les eaux usées: c'est le principe de ce projet, baptisé "Sylvo". Une collaboration franco-suisse à laquelle a notamment participé une équipe de la Haute école d'ingénierie et d'architecture de Fribourg (HEIA). Lancé en 2018, interrompu pendant le covid, le projet s'est terminé l'automne dernier. Et les résultats sont prometteurs.
On a vu que le biochar, le charbon actif que l'on est arrivé à produire, est tout aussi efficace, voire plus, que le charbon actif importé de Chine.
"Pour débarrasser les eaux usées des micropolluants comme les résidus de médicaments ou de produits chimiques, on a vu que le biochar, le charbon actif que l'on est arrivé à produire, est tout aussi efficace, voire plus, que le charbon actif importé de Chine que l'on trouve aujourd'hui sur le marché", se réjouit Fabienne Favre Boivin, professeure à la HEIA et impliquée dans ces recherches.
Charbon actif plus écolo
Avantage de taille ce type de charbon actif: lui n'a pas été extrait des mines chinoises, il n'a pas parcouru des milliers de kilomètres par cargo puis par camion avant d'arriver en Suisse et de pouvoir y traiter les eaux usées. Il peut être produit localement. Fabriqué à partir de déchets de bois, il séquestre du carbone, il est donc plus écologique.
Mais d'où vient-il précisément? L'équipe de la HEIA, en collaboration avec les producteurs fribourgeois de bois, les industriels, et le service des forêts et de la nature du canton notamment, a identifié trois sources possibles dans la région.
- Branches
- Écorces
- Déchets de bois
Des sources de bois peu ou pas valorisé dans la filière, comme le détaille Fabienne Favre Boivin: "les branches - principalement de l'épicéa - qui restent quand les troncs sont battus ; les écorces de bois, qui sont certes utilisées aujourd'hui dans la filière énergie mais qui ne sont pas les plus productives ; et puis les déchets de bois de troncs que l'on enlève pour fabriquer des poutres ou des planches."
Développer une filière de production
De nouveaux débouchés qui pourraient donc intéresser les acteurs de l'industrie forestière présents lors du Salon Bois, qui se tient jusqu'à samedi à Espace Gruyère, à Bulle, et lors duquel les résultats de ces années de recherche seront présentés.
"Ce sont des perspectives d'avenir, c'est bien que les acteurs économiques les aient en tête, confirme la scientifique. De notre côté, en tant que chercheurs dans ce domaine-là, nous sommes en train d'essayer d'aider au développement de cette filière de production, parce qu'on voit bien le potentiel des différentes applications possibles."
Rentable à certaines conditions
Pour l'instant, ce biochar-là n'est pas encore utilisé pour traiter les eaux usées en Suisse. Mais la loi sur la protection des eaux prévoit d'obliger les stations d'épuration d'éliminer les micropolluants d'ici 2040. Opteront-elles pour ce processus?
Nos recherches montrent que le biochar produit à partir de ces sources de bois sera compétitif sur le marché actuel uniquement si cette technologie est subventionnée.
C'est une question délicate: "D'un point de vue économique, nous avons envisagé plusieurs scénarios, répond Fabienne Favre Boivin. Nos recherches montrent que le biochar produit à partir de ces sources de bois sera compétitif sur le marché actuel uniquement si cette technologie est subventionnée. Si on enlève cette subvention qui viendrait soutenir un procédé propre et qui réduirait les émissions de gaz à effet de serre, le procédé n'est pas rentable."
Difficile, donc, de se projeter. De dire dans combien de temps ce pourra être une filière rentable. D'autant que, relève la professeure à la HEIA, le marché est très fragile, parce qu'il est très dépendant du marché du bois-énergie, qui fluctue très vite. Reste que ces recherches demeurent intéressantes, dans un monde où la question écologique prendra à coup sûr de plus en plus d'importance.
"Sylvo" est un projet binational qui a coûté 700'000 francs et qui a été notamment soutenu par la Promotion économique du canton de Fribourg.